Il s’agit alors d’établir le cadre de ce nouveau système, dans l’attente d’une situation politique stable dans laquelle des réformes complémentaires pourraient être mises en oeuvre. Cette volonté s’exprime dans le programme de la CGT issue de la guerre et, dès mars 1944, lorsque le Conseil National de la Résistance propose dans son programme « un plan complet de sécurité sociale visant à assurer, à tous les citoyens, des moyens d’existence dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail».
En Septembre 1944, Alexandre Parodi, ministre du travail, confie à Pierre Laroque la mission de mettre en oeuvre le projet de Sécurité Sociale du programme du CNR, qui sera concrétisé par les ordonnances des 4 et 19 octobre 1945.
Dans l’ordonnance du 4 octobre 1945, l’article premier est ainsi formulé : « Il est institué une organisation de la sécurité sociale destinée à garantir les travailleurs et leurs familles contre les risques de toute nature susceptibles de réduire ou de supprimer leur capacité de gain, à couvrir les charges de maternité et les charges de famille qu'ils supportent. L'organisation de la sécurité sociale assure dès à présent le service des prestations prévues par les législations concernant les assurances sociales, l'allocation aux vieux travailleurs salariés, les accidents du travail et maladies professionnelles et les allocations familiales et de salaire unique aux catégories de travailleurs protégés par chacune de ces législations dans le cadre des prescriptions fixées par celles-ci et sous réserve des dispositions de la présente ordonnance. Des ordonnances ultérieures procéderont à L'harmonisation desdites législations et pourront étendre le champ d'application de l'organisation de la sécurité sociale à des catégories nouvelles de bénéficiaires et à des risques ou prestations non prévus par les textes en vigueur. la couverture des charges de la sécurité sociale est assurée par des cotisations assises sur l’ensemble des rémunérations et gains perçus par les bénéficiaires de chacune des législations. » |
Les principes de cet article fondateur sont souvent repris dans une formule : « De chacun selon ses moyens à chacun selon ses besoins ».
L’article 2 prévoit l’organisation technique et financière de la sécurité sociale par la création
Des caisses primaires de sécurité sociale; Des caisses régionales de sécurité sociale; Des caisses régionales d'assurance vieillesse des travailleurs salariés ; Une caisse nationale de sécurité sociale; Des organismes spéciaux à certaines branches d'activité ou entreprises; Des organismes propres à la gestion des prestations familiales ;
Ils sont répartis au niveau :
- local : Caisses primaires d’assurance maladie, Caisses d’allocations familiales, Caisses régionales de Sécurité sociale, Caisses prestataires des autres régimes, administrées par des conseils composés de représentants des employeurs et des salariés et placés sous le contrôle des directions régionales de la Sécurité sociale (DRASS).
- national : une Caisse nationale de Sécurité sociale, établissement public est administrée par un conseil comprenant des représentants des caisses et des représentants des pouvoirs publics. Pierre Laroque chargé d’élaborer ce plan, s’inspire des systèmes allemand et anglais de protection sociale :
- le modèle allemand repose sur l’assurance professionnelle obligatoire. Les droits sociaux sont la contrepartie de cotisations professionnelles assises sur les revenus du travail et gérées par des caisses privées.
- Le modèle anglais est basé sur trois grands principes : unité de gestion, universalité des bénéficiaires, uniformité des prestations.
La France va bâtir un système hybride, solidaire et redistributif, alliant protection universelle et gestion autonome par les Représentants des salariés et des représentants du patronat.
En 1945, le financement repose exclusivement sur les cotisations patronales.
Le régime général prend en charge les risques maladie, maternité, invalidité, vieillesse, décès et accidents du travail au profit des salariés du secteur privé. Le chômage, à une époque de plein emploi, n’étant pas un risque social, ce risque n’était pas prévu en 1945.. Seules les allocations familiales bénéficient à la quasi-totalité de la population.
Que garantit la sécurité sociale fondée en 1945 ?
une protection efficace contre les accidents du travail la responsabilité patronale découle maintenant d’une prescription irréfragable donc automatique
la couverture des charges familiales incluse dans le régime général de sécurité sociale et financée par une cotisation obligatoire assise sur tous les salaires
« c’est grâce aux allocations familiales que les familles peuvent élever des enfants sans des charges écrasantes il y a d’autres soucis, des dépenses importantes mais il n’y a pas ce qui’ il y avait avant, l’impossibilité d’élever décemment des enfants » (professeur DEBRE en 1947)
Le remboursement des soins médicaux sur le seul critère du besoin
L’organisation de l’action sanitaire et sociale indépendamment de l’état (hôpitaux, campagnes de vaccination, lutte contre la tuberculose…).
L’organisation de la protection maternelle et infantile (PMI, Orphelins…)