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Les services publics et leurs enjeux

13 Jui 2013
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Décembre 2018: Nous attirons l'attention sur l'actualité de cet exposé fait par notre camarade Marc BLONDEL sur la privatisation des services publics et ses conséquences sur la vie quotidienne de la population.

 

Présentation de la conférence

Cette conférence débat s’est tenue le 13 juin 2013 dans la grande salle de la mairie de Versailles.

Sous la présidence de Denis Langlet président de l’Institut.

"Les services publics

et leurs enjeux".

Sur un thème d’une telle importance, l'Institut a eu l'honneur d'accueillir un invité d'exception:

Marc Blondel

ancien secrétaire général de la Confédération Générale du Travail Force Ouvrière, membre actif pendant des années du conseil administration du Bureau International du Travail (BIT), militant ouvrier de toujours.

Son exposé, sans notes, et le débat qui a suivi a donné lieu à un compte rendu dans une brochure publiée par l’Institut et disponible au prix de 5 €.

Compte rendu de la conférence

L'IESE a organisé à Versailles dans les Yvelines cette conférence-débat sur le thème des services publics et de leur défense face à l'entreprise de démolition dont ils sont l'objet.

On dit souvent que les services publics sont le patrimoine de ceux qui n'ont rien. Ils assurent l'égalité de traitement des citoyens devant la loi.

Au nom de la réduction des déficits publics, exigences répétées tel un dogme, par les institutions européennes, les services publics comme les acquis sociaux sont la cible de ces restrictions.

Les effectifs de fonctionnaires sont ainsi réduits drastiquement et leurs statuts, garants de la neutralité des fonctionnaires, sont remis en cause.

Conférence /débat 13 juin 2013

LES SERVICES PUBLICS et leurs enjeux

Sous la présidence de Denis LANGLET de l’IESE

Marc BLONDELancien secrétaire général de la Confédération Générale du Travail
Force ouvrière, membre actif pendant des années du conseil d'administration du Bureau International du Travail (BIT) introduit le débat.

Denis Langlet : Cette conférence est la quatrième de ce type que nous tenons, dans cette salle, depuis deux années. Les questions que nous avions abordées, vous en avez les comptes-rendus sous forme de brochures qui sont à votre disposition à l’entrée. Nous avions fait une conférence sur la loi dite de représentativité syndicale, une autre sur la souffrance au travail et la précarité.

Aujourd'hui, nous abordons la question des services publics, malmenés, asphyxiés et privatisés, encore qu'il faille se méfier des expressions, puisque le Ministère de l'Economie et des Finances a indiqué que la prochaine vague de privatisations n'était pas une vague de privatisations, mais «une gestion fine du capital» de l'Etat, ce qui élargit le spectre des expressions voulant dire à peu près la même chose.

Notre conférence, par le hasard des événements tombe au moment où le gouvernement grec vient de décider la forme ultime du maintien du service public dans le cadre de la réduction du déficit, c'est-à-dire l'écran noir. Comme le trou noir c'est la disparition des services publics sur la base des exigences financières.

Pour introduire le débat, nous avons invité, et nous le remercions d'être venu, Marc Blondel que vous connaissez tous.  Même si vous n'avez pas participé à la grève de 1995, vous le connaissez tous.

Marc Blondel : J'existais avant et j'existe après.

Denis Langlet : Comme c'est la tradition ici, chacun pourra poser des questions, apporter sa contribution et donner son point de vue et on engagera en toute liberté la discussion.

Nous avons parmi nous Nicole MAHOUX qui vient de sortir un document sur l'entreprise dans laquelle elle a toujours travaillé, à savoir les PTT. Ce livre s'appelle: "DE LA DEMOLITION DES PTT, Une entreprise d'Etat, Itinéraire d'une salariée de 1971 à 2009". C'est une publication que notre institut vient de réaliser comme témoignage sur la privatisation et ses conséquences dans un secteur essentiel des services publics.

Voilà Marc, en quelques mots, la présentation de cette conférence. Tu as la parole.

Marc Blondel : Mesdames, Messieurs, mes chers camarades, mes chers amis, je voudrais d'abord me féliciter d'être présent parmi vous, pour la bonne et simple raison que dirigeant de l'organisation syndicale pendant quelques années, je me suis toujours évertué de discuter avec mes camarades responsables, en disant que nous avions une action permanente et journalière de défense des intérêts des travailleurs et nous oublions, car nous n'avons peut-être pas le temps, de faire un travail complémentaire et toujours nécessaire, celui de la connaissance. Non pas de l'histoire, c'est un grand mot, mais de notre culture de notre civilisation, de ce que nous sommes et comment nous sommes arrivés à la situation dans laquelle maintenant les pays sont gérés, notamment le nôtre, et quelles sont les évolutions.

Et toutes les fois que l'un ou l'autre des camarades était un peu sensible à ce genre de chose, cela se concrétisait soit par un article, soit parfois par quelques livres, le risque étant que l’on prenne les responsables syndicaux pour des professionnels, ceux qui savent et ça devenait en quelque sorte la professionnalisation.

Et un militant syndicaliste qui se professionnalise se met en rupture avec la réalité, ce qui fait que c'est toujours dommageable.

Alors je pense que vous avez ici, avec l'union départementale, trouvé la formule.

En fait vous renouez avec une vieille tradition qui s'appelle l'université populaire, c'est-à-dire qu'au-delà de l'enseignement et de la vie pratique de tous les jours vous vous rassemblez, vous discutez ensemble pour analyser et, le cas échéant, échanger vos points de vue, les raisons de ces points de vue, et de cette façon vous vous enrichissez et vous permettez d'avoir des jugements qui seront peut-être plus péremptoires, mais qui seront aussi plus fondés que la réaction émotionnelle.

Si je dis ça c'est parce que je me suis mis en colère tout à l'heure dans ma voiture quand j'ai entendu les gens, circonstances obligent, commenter les grèves de la SNCF.

Il faut les entendre : "Et comment, ça dure depuis toujours, on ne sait jamais etc." et le connard qui dit ça, ne sait pas qu'il est lui-même exploité dans les mêmes conditions que le camarade de la SNCF, ou au moins il l'oublie. Il a un réflexe, poujadiste de satisfaction ou d'insatisfaction des choses qu'il voulait faire dans l'immédiat et il se précipite et il devient stupide.

Cela mérite quelques réflexions, je ne dis pas que vous avez fait exprès de faire la conférence un jour de grève pour me préparer une amorce, mais enfin aujourd'hui c'est cette grève, demain ce sera une autre.

J'avais le choix en venant ici de reprendre toute la littérature qui explique très exactement ce que sont l'administration, les services publics, etc.

Mais je me suis dit : « Ton témoignage de secrétaire général, de militant syndicaliste et la vision que cela t'a apportée, tu pourrais peut-être livrer ça à la discussion. »

C'est la formule que j'ai choisie parce que j'ai considéré que je n'avais pas affaire à une équipe d'étudiants de Sciences Po ou une équipe d'étudiants de l'ENA avec la formation des fonctionnaires, ici c'est autre chose.

Alors je voudrais commencer mon propos avec une interrogation.

Le service public qu'est que c'est ?

Et c'est là, à partir du moment où on se pose cette question que l'on définit très exactement l'objectif et le rôle des services publics. Les services publics par définition c'est l'administration de l'Etat, mais est-ce que quand l'Etat fait rentrer ses impôts il rend un service public? Il rend un service public au deuxième degré, puisque les impôts permettent de financer ce qui sera un service public.

Mais est-ce qu'il n'y a pas d'autres services publics? Et si je pose la question comme ça, il y a 50 ans si je l'avais posée je me serais fait siffler, maintenant, si je la pose et si j'amène quelques réponses vous allez voir qu'il y a quelques interrogations.        La première, elle est opportune puisque notre camarade de la Poste est là: est-ce que la poste est un service public ? Et elle vient de répondre : la Poste fut un service public.

Est-ce que la SNCF est un service public ? Elle est encore un service public.

Est-ce que la sécurité sociale est un service public? Est-ce qu'on peut définir le service public strictement par la situation des salariés de ceux qui gèrent le service public ? Est-ce que le service public c'est strictement les fonctionnaires?

Oui, la notion de service public est une notion tout à fait fondamentale de la République Française. Ce n'est pas une conception politique en termes d'affrontement entre Gauche et Droite, d'affrontement entre collectivistes et libéraux. Non, le service public c'est tout autre chose, c'est la notion égalitaire de la République. C'est mettre à la disposition de tous les citoyens les éléments dont ils ont besoin pour subsister, non pas pour s'acheter des costumes ou être beau, mais pour subsister. Et ça peut apparaître idiot, mais c'est la réalité des choses lorsqu'on y réfléchit.

J'ai cité volontairement la Poste, c'est l'image la plus belle. La Poste c'est quoi? C'est faciliter l'échange, la discussion et l'information entre les gens. La Poste, c'est Madame de Staël lorsqu'elle écrivait  ce qui était en train de se passer et qu'elle l'envoyait à sa nièce. Elle avait le droit et la possibilité de communiquer, C'est le droit d'expression. Ce droit-là est garanti par la Poste, Tout un chacun a le droit de l'utiliser en fonction de ses envies ou de ses besoins.

Et la deuxième notion c'est l'égalité et il doit être acquis que cette possibilité est ouverte à tous les citoyens. C'est-à-dire par définition la recherche du coût le plus bas et l'accès pour tous à ce genre de chose. Ça veut dire, et vous comprendrez bien que je suis en train de mettre un trait sérieux sur la commercialisation de la Poste, que toute commercialisation en la matière est une erreur.

Il ne s'agit pas d'une gestion collectiviste, c'est la délégation que les citoyens ont fait à l'Etat par la mise en place de la République Française de l'égalité des citoyens.

A partir de ce cliché, vous faites le même pour la SNCF. La SNCF ça n'a pas toujours été un service public. Elle a débuté par des compagnies privées. Et on a estimé utile d'en faire un service public pour que l'accès soit justement ouvert à tous.

Déclinez la chose: AIR FRANCE, même si ça n'avait pas le statut de service public, la compagnie AIR FRANCE était une compagnie nationalisée et elle entrait de fait dans le service en question. Maintenant c'est OUT. Et je pourrais, comme ça, démultiplier sur un autre terrain, ce qui n'est pas directement un service.

Les mineurs étaient des salariés exploités par des compagnies privées et c'est au moment où on a constaté que le charbon était indispensable pour donner de la  chaleur et de l'énergie à l'ensemble du pays que bien évidemment, sur la poussée des mineurs eux-mêmes qui revendiquaient d'être nationalisés, on a mis debout les mines et le système minier, sans l'appeler pour autant service d'Etat. Mais dans les faits, l'objectif était bien le même. C'est cela qu'il faut que nous fassions comprendre.

On va encore continuer la projection. J'ai dit la SNCF pour les transports. C'est la même chose pour les autres modes de transport. Tout le système, tous les équipements, toutes les voies quelles qu'elles soient c'est encore une fois pour faciliter les déplacements de tous les citoyens. Les routes sont faites pour ça, les autoroutes ont été faites pour ça. C'est l'Etat qui a financé la mise en place des autoroutes. Je vous rappelle, pour ceux qui ont un peu d'ancienneté, qu’au moment où on a mis en place les autoroutes, l'objectif était que, lorsqu'elles seraient amorties, l'accès serait libre et non payant. C'était bien l'objectif. Ce n'était pas la puissance de la voiture, qui varie selon la richesse de chacun, mais l'accès devait être ouvert à tous. Nous avons vécu pendant de très nombreuses années dans ce genre de chose.

J’attirais, tout à l’heure, votre attention sur la Sécurité Sociale. C'est quelque chose d'absolument extraordinaire. L'histoire de la Sécurité Sociale découle des premières initiatives qu'ont prises les travailleurs. Mais à l'époque ce n'était pas les travailleurs contre leurs patrons, mais avec leurs patrons. A l'époque c'était des travailleurs qui défendaient leurs professions. Il fallait qu'ils existent et qu'ils puissent avoir une activité suffisante pour pouvoir être salariés et leurs patrons gagnaient de l'argent, c'étaient des structures de corporations. Et des initiatives très intéressées avaient été prises : quand l'ouvrier technicien compétent était malade, il ne travaillait pas, ce qui mettait l'atelier en difficulté. Alors ils ont mis en place les mutuelles. L'élément initiateur de la Sécurité Sociale c'est la mutualité.  

C'est une conception de prévention et surtout de solidarité. Par solidarité nous allons accumuler l'argent nécessaire pour que lorsque l'un d'entre nous est malade, il soit rétabli dans les conditions où il puisse gagner sa vie, continuer à travailler et faire le boulot pour le patron.

Les patrons étaient très intéressés dans ce genre d'affaire bien entendu et ça explique le développement. Puis il y a eu, sur la poussée de militants syndicalistes et en particulier de Georges BUISSON, tout simplement une espèce d'accaparement des ressources en question. Nous étions arrivés à deux grandes caisses, une caisse patronale et une caisse ouvrière qui s'appelait la caisse « le travail ». L'une était gérée par les représentants des salariés et l'autre par les patrons. Le patronat avait ainsi quasiment une compagnie d'assurance, pendant que l'autre caisse était restée fidèle à cette idée de mutualisation.

Le fondement philosophique de la mutualité et de la Sécurité Sociale, c'est qu'on paye selon ses moyens et que l'on reçoit selon ses besoins.

Ce qui veut dire que l'on peut payer pendant toute sa vie et ne jamais être malade, et c'est tant mieux, mais celui qui n'a pas la chance de passer outre la maladie est soutenu par solidarité. Le régime de Sécurité Sociale, en 1945 avec sa généralisation, a établi l'obligation pour tous et à partir de là, il a donné une dimension qui devient une dimension de service public.

Ce ne sont plus des mutualistes, ça dépasse la mutualité. Au passage, je vous signale que si la mutualité n’a pas eu la gestion, c'est tout simplement parce que pendant la guerre, sous l'occupation allemande, la mutualité avait collaboré avec les Allemands. Vous comprenez bien que la mutualité, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, qui découlait des corporations, ça correspondait plus à l'esprit de Pétain qu'à autre chose puisque, lorsqu'on lit la charte du travail, on voit très bien que Pétain ne reconnaît pas la différence entre patron et salarié. Il considère que ça doit être en permanence en accord et en harmonie.

Donc il y a eu cette rupture parce que c'était difficile de généraliser ça. On sortait de la guerre, certains de la résistance, le gouvernement ne pouvait que rompre avec ce genre de chose, donc il a mis en place le système de Sécurité Sociale avec les structures que nous connaissons maintenant.

Je voudrais simplement vous faire remarquer que, ce faisant, et ça correspond bien à la notion égalitaire et solidaire, la Sécurité Sociale est un élément de redistribution absolument considérable.    Regardez bien, quel que soit votre salaire, si vous êtes dans une localité ou dans une ville où il y a beaucoup de monde et beaucoup d'industries, vous êtes pris en charge par la Sécurité Sociale selon vos droits. Si vous êtes dans une localité où il n'y a plus rien, plus d'industrie, etc., vous êtes pris en charge, encore selon vos droits.

C'est-à-dire que ceux qui ont du travail, paient aussi pour ceux qui sont dans une situation plus délabrée. C'est une notion de solidarité, et c'est peut-être l'élément de solidarité le plus criant, le plus démonstratif de la République.

Néanmoins ce n'est pas, dans la notion stricte de l'administration, avec une gestion publique. Les salariés de la Sécurité Sociale bénéficient d'une convention collective. Sur le plan gestionnaire, il y avait un contrôle qui était un contrôle à posteriori. Et d'une certaine façon on peut très bien comprendre. J'ai été moi-même un des négociateurs et j'ai fait partie de différentes réunions de discussion là-dessus avec les gouvernements.

On peut très bien comprendre qu'une masse d'argent aussi considérable soit sous contrôle de l'Etat. Imaginez que, sur l'encouragement ou la volonté du directeur général de la Sécurité Sociale, toutes les URSSAF mettent leur argent au même endroit. En principe elles n'en n'ont pas, elles le redistribuent immédiatement. Vous voyez la pesée !!

Je vous rappelle que le budget de la Sécurité Sociale et de protection collective est de 27 % du Produit Intérieur Brut, c'est-à-dire pratiquement plus d'un quart de la richesse produite en France. Je vous rappelle aussi que tous ceux qui sont en train de crier - quand j'entends notamment les médecins - commencent à me barber, en définitive nous les avons rendus solvables. Il y a 50 ans encore il y avait des médecins qui faisaient des consultations à domicile et qui n'étaient pas sûrs d'être payés.

Non seulement nous les avons rendus solvables, mais la Sécurité Sociale finance maintenant à 72% les hôpitaux et pas que les hôpitaux publics, les cliniques privées ; ainsi la sécurité sociale c'est aussi la solvabilisation de tout le matériel chirurgical. C'est aussi la solvabilisation des entreprises pharmaceutiques. Les entreprises sur lesquelles il y a quelques interrogations en ce moment devraient remercier la Sécurité Sociale.

C'est devenu un élément déterminant de l'économie française. Il fonctionne et je dis que c'est un service public. Il rend le service public. J'ajouterais d'ailleurs au passage, mais c'est pour bien faire comprendre la suite de mon propos, qu'il y a quelques années lorsque M. Clinton était président des États-Unis, Mme Clinton était venue en France car  M. Clinton  voulait généraliser la prise en charge collective de la santé.

Aux États-Unis si vous avez du travail, vous avez une compagnie d'assurance qui vous couvre. Si vous n'avez pas de boulot et bien vous n'avez pas intérêt à être malade parce que vous ne pourrez pas vous soigner. Ou alors c'est que vous avez des sous. Il y a encore à peu près 30 millions de gens aux États-Unis qui n'ont aucune couverture alors qu'avant, il y en avait 55 millions. Obama a fait un effort, mais pas jusqu'au bout.

Et alors nous avons discuté et Mme Clinton avait demandé à nous rencontrer et à discuter. A l'époque, nous avions la présidence de la caisse nationale d'assurance-maladie et j'avais donc accompagné mon ami Jean-Claude Mallet qui était président pour converser avec Mme Clinton. Elle avait une interrogation, c'était le problème le plus important : « Est ce que vos médecins sont libres ? »  Pour elle, la Sécurité Sociale et le modèle français généralisé, obligatoire, ça conduisait automatiquement à ce que le médecin devienne inévitablement un fonctionnaire. Elle assimilait ça  au système économique et politique soviétique et, en poussant à l'extrême, mes chers camarades - si je pousse à l'extrême c'est pour que vous y réfléchissiez - au système nazi.

Parce que c'est vrai qu'Hitler avait mis debout et avait utilisé les médecins notamment pour sélectionner les gens. Je crois savoir qu'il y a eu plus de 150 000 handicapés qui ont été assassinés. Or, ils n'ont pas été assassinés comme ça. Les médecins se sont livrés à des expériences pour savoir quelle était la raison de leur handicap et ils ne pouvaient plus être de la race aryenne, puisque la race aryenne, par définition, devait être saine. Vous savez-le « in corpore sano », il faut faire attention car cela peut dissimuler certaines choses. Et donc, effectivement, des médecins s'étaient livrés à cela dans un régime autoritaire, nazi, Et qui dit ou ne dit pas que le système soviétique et bien qui dit tout simplement, on le sait maintenant, le problème des infirmières de Staline, on le sait maintenant on le connaît. Il y a effectivement eu des endroits où l'autorité était telle que l'on faisait faire au corps médical des choses qui étaient contradictoires avec le fameux serment d'Hippocrate.

Or, nous avons, nous, un système qui justement n'autorise pas ce genre de choses. Notre médecine est une médecine libérale, je pense même qu'elle prend beaucoup de liberté, mais c'est son droit. Quand je vois un médecin qui travaille dans un hôpital et qui a le droit de faire des consultations privées, qui ne s'en gêne pas et qui gagne 10 000 € par mois et qui ose venir à la télévision en disant qu'il est insuffisamment payé, j'ai envie de lui envoyer mon voisin qui ne gagne, lui, que 1200 € par mois. Il faut quand même raison garder.

Et regardez bien, et c'est la deuxième partie de mon raisonnement, toute la perversité qu'il y a eu justement. Le ver est dans le fruit. Je le dis pour la sécu, mais on va le prendre pour tout. Regardez bien, c'est devenu un débat idéologique. Or, en définitive, je vous assure pour ce qui est du service public, non ce n'est pas un système collectiviste. Même aux Etats-Unis qui est le pays le plus libéral, il y a quand même des collecteurs d'impôts, il y a quand même un secteur public qui est plus ou moins important.

Il existe et il est nécessaire. Ou alors, chers amis, on revient dans la situation de l'ancien régime où c'étaient des collecteurs d'impôts personnels qui avaient d'ailleurs des problèmes avec le roi de temps en temps parce qu'ils n'en récupéraient pas assez. Louis XVI est tombé pour ça. Cherchez bien, vous verrez que Louis XVI voulait augmenter les impôts au moment où les gens n'arrivaient même plus à avoir du blé. Il y a eu une rupture et ces gens qui collectaient les impôts devenaient les seigneurs du coin. Et d'ailleurs je rappelle que généralement après, de père en fils, ils héritaient de la fonction.

C'est donc la raison pour laquelle je me suis félicité à l'époque, lorsque l'ENA était ouverte à tous les salariés, à tous les fonctionnaires. Je ne pensais pas qu'on en ferait ce qu'on en a fait. Je reviendrai cependant là-dessus, mais ouvrir justement des gens à gérer l'administration, c'était intelligent. Et que ces gens viennent du peuple, c'était encore le mieux.

Ah, j'allais oublier : le plus grand service public, c'est l'école. On est à un point où on l'oublie. C'est tellement devenu habituel. Il y a tellement de gens qui réfléchissent d'ailleurs à l'école comme étant la garderie de leur enfant, oui mais bien entendu que ça mérite quand même réflexion. Donner les moyens à tous les citoyens quels qu'ils soient, quelle que soit leur origine, d'avoir des connaissances, de savoir lire, de savoir écrire, de savoir compter, de savoir, le cas échéant, aller chercher des informations... enfin en faire des citoyens. Et le faire de manière neutre c'est-à-dire sans pour autant les entraîner dans un choix personnel qu'ils auront toujours la liberté de faire le jour où ils le désirent. Respecter l'enfant pour ce qu'il est, je pense que ça ne peut se faire justement que par une fonction publique, une fonction égalitaire et une fonction neutre. Il faut bien que nous nous comprenions là-dessus.

J’ai choisi ces exemples pour montrer la difficulté de définir ce qu’est un service public, le financement ne suffit plus, ni la nature du contrat de travail, voire son influence, l’initiative de sa création, c’est beaucoup plus la notion de service d’intérêt général qui l’emporte et surtout j’ai voulu attirer votre attention sur le fait que le service public n’est pas une situation définitive, déjà avec la notion de service public/service privé, le ver est dans le fruit.

Alors telle est la situation de la République française. Ce n’est pas vrai pour tous les pays et ce n'est pas vrai avec les mêmes structures. Ajoutons encore une couche si j'ose dire aux services publics. Ici la municipalité, les collectivités locales, leur objectif c'est bien effectivement de gérer et d'être à la disposition des citoyens. Sur le plan syndical, il suffit de regarder quels étaient je dis « quels étaient » volontairement, les contrats des uns des autres pour en voir la nature.

Ce qui était fonction publique était statutaire. Statutaire, c'est tout simplement préciser que les salariés en question devaient se comporter, en toutes circonstances, de manière égalitaire et neutre.

C'est  le statut qui les contraignait. Ce n'est pas vrai dans une entreprise privée.

Mieux, le déroulement de carrière était un déroulement de carrière progressif. Il fut un temps où, lorsque l'économie capitaliste permettait de faire de la redistribution, ce qu'on appelait les 30 glorieuses, de nombreux jeunes hésitaient avant d'aller dans la fonction publique pour des raisons financières. Parce que si la garantie à l'époque de l'emploi était fondée, était assumée, il faut d'ailleurs que je précise quelque chose sur ce point, la garantie d'emploi des fonctionnaires, elle est à vie. Au moins pour les titulaires de statut.  Et vous savez ce que ça veut dire, ça veut dire qu'ils n'ont pas de retraite.

Dans le débat qui va avoir lieu dans quelque temps je suis fou de colère quand j'ai encore entendu le Sénat cet après-midi. On parle de retraite pour les fonctionnaires ; il n'y a pas de retraite ! Ils ont une « pension » les fonctionnaires ! Et cette pension est garantie dans le budget de l'État. Elle doit être inscrite sur le grand livre de la dette publique. C'est-à-dire que le gouvernement doit voter le financement des ressources des fonctionnaires, qu’ils soient en activité ou non.

Nous avons cédé en son temps et nous avons eu tort : les fonctionnaires ne devraient pas cotiser. Mais la contrepartie, c'est qu'à 80 ans, si on a besoin d'un fonctionnaire on ira le chercher et il ira travailler. C'est ça la contrepartie. Il s'est vendu à la République. Ce n'est pas aussi dérisoire que ça. Il suffirait de pas grand-chose vous savez, un conflit et hop ! On en a besoin. C'est vite fait. Regardez ce qui se passe maintenant, lorsqu’il y a des pépins, avec EDF.

Si les camarades retraités d'EDF ne venaient pas donner la main eh bien on attendrait longtemps l'électricité. Parce que ça aussi l'électricité, la distribution d'électricité, nous avons été tous à revendiquer qu'il y ait de l'électricité partout, dans le fin fond de la Corrèze - tiens je vais choisir ça accidentellement- l'électricité pour tous. Toujours la même chose : le service public. Or il faut bien comprendre, au nom de l'équilibre, sur des bases, je dirai de raisonnement économique, l'Etat s'est soustrait à ses obligations et l'exemple de la retraite est significatif en soi.

Mais déjà, par les gouvernements successifs, les fonctionnaires ont commencé à financer partiellement leur retraite. On leur a fait des prélèvements. Dans le privé, le financement des prélèvements sociaux c'est toujours vous qui le payez, même la part patronale. Si quelqu'un gagne 1200 euros par mois et paye tant en cotisations ouvrières, le patron est censé payer à peu près la même chose. Quand le patron  parle du prix que lui coûte un salarié, il inclut bien la part patronale. J'ai été confronté à ça des dizaines de fois.

C'est-à-dire qu'en définitive ce n'est pas le salaire direct ou perçu par l'intéressé qui est considéré comme coût du salarié. Si le patron paye des cotisations, c'est à cause de l'histoire que je vous ai narrée tout à l'heure. Le fait que les corporations c'était aussi les patrons, le fait qu'ils avaient ensuite établi des caisses patronales et le fait ensuite, tout simplement,  qu'ils siègent dans les conseils d'administration. Maintenant j'aimerais autant qu'ils n'y siègent plus. Et puis j'aimerais autant vous le dire, je ne sais pas s'il y a des camarades administrateurs sécu, mais vous ne servez plus à rien.

C'est l'Etat qui dirige. L'Etat s'est approprié la Sécurité Sociale. La meilleure preuve, et nous avons notre part de responsabilité, c'est que nous avons laissé dire en parlant de la Sécurité Sociale : l'Etat providence.

Ce n'est pas l'État, c'est nous, ce sont les salariés qui payent, ce n'est pas l'Etat.

Comment se fait-il qu'on ait intégré dans le budget de l'État la Sécurité Sociale, les retraites ? Comment se fait-il qu'inversement maintenant on fasse glisser les pensions des fonctionnaires vers les retraites ?

C'est une part de l'analyse de mes propos que je vais maintenant vous délivrer.

Qui dirige la France ? Pour qui avez-vous voté ?

Si j'en crois la République, tous les citoyens en âge de voter choisissent les gens qui doivent les diriger. Cela en fait des élus et ils sont censés défendre l'intérêt général. Sur la forme, je crois que c'est vrai, je ne crois pas qu'en France il y ait trucage des élections. Bien sûr, il y a bien quelques zigotos qui doivent essayer.

Le problème c'est que nous sommes maintenant dans un ensemble beaucoup plus large qui s'appelle l'Union Européenne, qui regroupe 27 Etats et qui s'octroie un pouvoir qui, à mon avis, est plus que contestable. Je le dis d'autant plus que, étant jeune militant, j'ai fait partie du comité directeur d'une association politique de la gauche européenne. A l'époque, notre expression c'était surtout « il ne faut plus qu'il y ait un conflit avec l'Allemagne, essayons d'obtenir la paix ». Au passage et ça mériterait une conférence particulière, sachez que toutes les fois où il y a eu la guerre avec l'Allemagne, Léon Jouhaux le Président de notre CGT-FO mais aussi secrétaire général de la vieille CGT, s'est déplacé en Allemagne pour voir les syndicalistes, pour essayer de dire aux Allemands : « Nous ne voulons pas la guerre et je vous en prie vous non plus ».

Je vais aller plus loin puisqu'il est allé voir Staline en 1938 - il fallait le faire, lorsqu’on sait l'anti-stalinien qu'il était - en disant oui bien sûr, sur une ligne de conduite qui était une conduite pacifiste, on croit faire la guerre pour son pays et on fait la guerre pour des industriels. Vous savez c'est Anatole France qui l'a dit et c'est vrai. Toutes les fois eh bien ça a été clair, les Allemands ont fait fi de la démarche et en définitive sont rentrés en conflit. Surtout nous connaissions, nous étions imprégnés un peu de tout cela et on espérait que ça se terminerait et qu'il n'y aurait plus jamais rien. Après, notre première ligne de conduite, c'était « pourquoi serions-nous encore en concurrence avec ceux qui veulent former une Europe les uns avec les autres » Et là, nous avions les prémices de ce qui est en train de se passer maintenant ou qui se passe depuis quelques années, à savoir la mondialisation. Moi, je le dis très clairement, depuis 1960, c'est le moment où j'ai commencé comme militant à avoir quelques petites responsabilités, j'étais persuadé que la colonisation n'était plus le moyen pour les pays d'étendre leur domination et qu'il y aurait, à terme, une évolution de la notion de puissance économique. Je n'ai jamais été, de manière à surtout ne pas me laisser conduire où je ne veux pas, je n'ai jamais été maoïste. Mais je pensais effectivement qu'un jour ou l'autre, les pays les plus importants, parce que la Chine je vous rappelle c'est 1 400 000 000 d'habitants et c'était en plus un pays très prolixe, c'est-à-dire qu'il a fallu que Mao Tsé-Toung interdise les familles avec deux enfants, malheureusement ce sont les filles qui ont été sacrifiées. Je ne vois pas pourquoi en définitive, pourquoi tel pays serait en retard sur les autres.

Tous les pays et c'est ce que nous vivons en ce moment, ce que j'appelle la révolution du temps et de l'espace, tous les pays vont avoir accès à la révolution technologique, économique etc. Il va y avoir une concurrence et le système conduit à ça. Il est même, je vous le rappelle, défendu par les libéraux de manière tout à fait pratique. Ce n'est pas pour rien qu'aux États-Unis il y a la loi antitrust.

Cela veut dire tout simplement que l'on veut que les gens se confrontent, que les sociétés se mettent en concurrence en espérant que cela fera baisser les prix. Le jour où il y a un trust, ça veut dire qu'ils se mettent d'accord. C'est quelque chose d'ailleurs qui n'est pas nouveau, cela a été théorisé par  Karl Marx tout à fait bien. Il expliquait que le système capitaliste conduirait à ça.

Déjà en 1960 quand nous pensions Europe, il y avait une ambiguïté : c'est qu'à l'époque, les Amériques étaient partisans de l'Europe. Les Américains pensaient qu'il fallait que - ce n'était pas du tout pour que l'Europe se structure et devienne un élément concurrentiel aux États-Unis ou encore à l'Asie- l'Europe serve de bouclier, en quelque sorte, par rapport à l'Union soviétique. Nous étions en pleine bagarre entre l'Est et l'Ouest et donc pour éviter que l'Union soviétique et le système communiste ne gagne du terrain et ce n'est pas théorique.

Au lendemain de la guerre, le Parti Communiste Français faisait plus de 25 % aux élections. Dès que vous dépassez 30%, vous avez une chance d'y arriver. Rappelez-vous la RDA, la Pologne, la Hongrie, tout cela a été des conquêtes qui ont été faites au lendemain de la guerre.  Cela veut donc dire qu'au nom de la liberté, les Américains nous ont soutenus et on a mis une Europe debout. Cette Europe maintenant est intégrée. Je me souviens encore avec mon prédécesseur Bergeron, d'une réunion dans laquelle nous avions défendu, à Bruxelles - à l'époque j'étais chargé du secteur économique - la notion de Convention collective européenne.

Cela voulait dire mettre un terme à la concurrence entre les salariés dans chacun des pays. Je me souviens, parce que déjà le système français était un système de référence en ce qui concerne la protection sociale, que j'avais expliqué qu'il fallait que les salariés, au moment de leur retraite, touchent 75 % de leur salaire d'activité. L'idée était de maintenir aux salariés, en retraite ou non, le même pouvoir d'achat. 25 % c'était ce que j'avais  considéré comme étant à peu près les frais inhérents au fait d'aller travailler, le transport, les habits etc... Et j'avais dit devant la Confédération Européenne des Syndicats: « C'est simple voilà l'objectif que nous devons nous fixer. Maintenant chaque pays ira comme il l'entend. Vous vous battrez, vous négocierez avec vos patrons et puis si vous voulez mettre des régimes par répartition, vous ferez la répartition. Les >Anglo-saxons aiment mieux la capitalisation et bien ils feront la capitalisation. Et puis certains feront des régimes par répartition et la capitalisation. Mais l'objectif c'est 75 %». J'avais d'ailleurs emmené la décision et j'avais eu un vote à l'unanimité. Tout le monde était satisfait et on se croyait à l'abri.

D'ailleurs, au passage, je vous signale que je remettrai ça avec les 35 heures, parce que les 35 heures, c'est nous qui les avons revendiquées. Et lorsque j'avais expliqué les 35 heures à la Confédération Européenne des Syndicats, mes camarades allemands avaient pris position favorablement. Unanimes à l'occasion d'un congrès. Puis ils se sont précipités à Bonn pour dire aux élus du SPD que cela ne les engageait pas. Ils ont joué les faux jetons et cela je ne leur pardonne pas. Mais enfin peu importe...

Depuis, il y a eu ce fameux  Traité de Lisbonne, que la France a ratifié. Or le Traité de Lisbonne contraint les pays à une série d'obligations que l'on pourrait comprendre comme étant un objectif, une recommandation. Mais maintenant c'est une décision qui devient incontournable et qui n'est pas prise par le Parlement français.

M. Hollande va aller présenter son budget à M. Barroso. Vous avez voté, vous, pour M. Barroso ? Vous avez voté pour lui ? Ce n'est pas mon expression citoyenne. C'est quelque chose d'invraisemblable et Hollande va aller présenter le budget  et  M. Barroso va lui dire : «  Si vous faites ça, vous dépassez les 3 % de déficit budgétaire ».Moralité, une amende ! Alors la moralité c'est toujours une amende pour celui qui est déjà déficitaire, c'est classique. Donc il va revenir et il va dire : «  Je ne peux pas faire ce que je veux. »

Je vous parle au futur, c’est ce qu’il est en train de faire maintenant. De quel droit ? Pourquoi ? Si je rentre dans la technique et je suis  prêt à rentrer dans la technique avec n'importe quel économiste, tous ceux qui ont défini les fameux 3 % de déficit, tous ceux-là sont incapables de dire le résultat. C'est faux. On a appris qu'ils avaient oublié la moitié des pays dans les calculs prévisionnels.

Moi je sais comment ça s'est passé ces 3 %. Les circonstances de la vie militante ont fait qu’à l'époque j'étais l'interlocuteur du Président Mitterrand en tant que responsable syndical. C'est lui qui a fait adopter les 3 %. En vérité, c'est Fabius. Cela s'est passé sur un coin de table. A l'époque le déficit budgétaire de la France était de 2,2 %. Alors ils ont dit : « Il faudrait en quelque sorte contraindre l'Europe à aller vers un objectif. Alors qu'est-ce qu'on va mettre ? » Il y avait un inspecteur des finances et deux hommes politiques qui parlaient au nom de Mitterrand. Ils ont téléphoné : «  Est-ce que vous êtes d'accord M. le Président ? » Mitterrand a dit :« Mettez un chiffre raisonnable 3 % ! »

Et maintenant quand on nous impose les 3 % c'est pour justifier cette décision. Fabius a pris son cartable, il a fait le tour des pays européens et a dit : «  3 %, 3 % ! »Lorsque les 3 % ont été adoptés, la majorité des pays européens était dirigée par les socialistes à l'époque. Bien entendu, maintenant ça se retourne contre eux.

Alors vous voyez bien, si je vous raconte tout ça, c'est que cela a des effets. L'effet, c'est : il y aurait trop de fonctionnaires. On  a commencé : «Boum, boum, boum, boum ! ».

Si ce sont des enseignants, ce n’est pas très malin. Cela aura des conséquences absolument énormes. Je ne sais pas si vous ressentez les choses comme moi mais nous sommes dans ce pays en train de faire renaître un lumpenprolétariat. Comment voulez-vous qu'un jeune de 20 ans puisse comprendre que l'intégration se fait dans le milieu du travail ? Que le travail  est une soumission - mais c'est ce qui permet de garder sa dignité et d'être libre - lorsqu’il n'a jamais vu son père travailler parce qu'il y a du chômage récurrent en France depuis 1975. Comment voulez-vous que les jeunes puissent espérer exister ?

Moi je sursaute quand je regarde à la télé une bijouterie attaquée en pleine journée à tel endroit. Depuis le lendemain de la guerre, ça n'existait plus. Des dames à qui on arrache la broche ou je ne sais quoi. C'est du larcin. C'est la cour des Miracles ! Mais la cour des Miracles c'est  la conséquence de la situation. Je reprends Victor Hugo : «  Ouvrez une école et vous fermerez une prison. »  On est en train de sédentariser ça ! Par facilité, on n'a qu'à dire que c'est la faute des autres. C'est peut-être les Arabes ou les Noirs. Il faut y aller avec modération si j'ose dire et avec analyse. Ce n'est pas aussi simple que ça !

Je le dis d'autant plus que moi aussi je suis père de famille,  grand-père et j'ai des problèmes de cette nature. J'ai  un de mes petits-fils qui se veut anarchiste et que j'habille volontiers du terme de fainéant. Je lui dis : «  Tu n'es pas un anarchiste tu n'es qu'un fainéant ! » Je lui ai proposé de lire Bakounine et d'en discuter dans un mois. Il m'a répondu qu'il n'avait jamais lu plus de 3 pages ! Si ma main n'est pas partie !... Je peux vous dire que si j'avais dit ça au père Blondel moi j'aurais pris une trempe mon pote. Ça veut dire que moi aussi je subis, nonobstant ce que je dis, nous subissons tous ce genre de choses, directement ou indirectement dans notre environnement. C'est la destructuration.

Cela conduit à ce que je disais tout à l'heure, la fille qui crie : «  Je n'ai pas eu mon train, c'est toujours les mêmes qui payent ! » sans analyser les raisons, sans rien analyser, ni le comment ni le pourquoi.

Je vais reprendre en ce qui concerne les retraites. Pourquoi parler de comparaison entre la pension et les retraites. Cela n'a rien à voir, mais absolument rien à voir. Je vous signale d'ailleurs au passage que lorsque Mitterrand était Président, quand il y a eu la discussion sur les salaires et sur la reclassification du statut de la fonction publique, c'est moi qui l'avais obtenue. Je lui avais dit qu'il y avait des fonctionnaires, des hauts fonctionnaires, et c'était vrai à l'époque, qui quittaient la fonction publique pour aller travailler, pantoufler dans le privé. Alors il m'a dit : « Ça va être grave à moyen terme ! » Alors je lui ai dit : «  Vous devriez faire quelque chose. » Rocard, qui était Premier Ministre, avait été dans l'obligation, sur la position de Mitterrand, d'accepter la négociation.

Il faut que nous comprenions : l'Europe nous contraint à des choses qui sont contradictoires avec nos besoins. Je ne dis pas avec nos conceptions et avec l’importance relative de la fonction publique qui répond à l’intérêt général et répond de moins en moins aux besoins. Elle nous conduit aussi à autre chose qui est peut-être encore plus dramatique dans la négociation que tout le reste. J'ai bien connu le point de départ de cette affaire.

A l'époque, le débat était : c'est Paris qui décide tout. Paris n'étant pas la Ville de Paris mais le Parlement. Il y avait des monarques locaux qui considéraient, pour des raisons diverses, parfois parce qu'ils n'avaient pas été Ministres, que d'autres avaient été choisis ou parfois parce qu'ils auraient bien voulu être le number one. Là aussi, de droite et de gauche, ces gens disaient : « Il faut donner plus de latitude aux régions et même aux localités. »

J'ai notamment assisté à une engueulade entre Guy Mollet et Gaston Deferre qui était très révélatrice de l'époque. Et lors d'une conversation quelques années plus tard avec Gaston Deferre quand il sera Ministre de l'Intérieur, celui-ci me dira la motivation pour laquelle ils s'engueulaient. Sa motivation à lui c'est qu'il en avait marre du préfet de Marseille. Le préfet des Bouches-du-Rhône l'emmerdait pour ce qu'il voulait faire à Marseille, alors Deferre a plaidé ce que l'on appelle la régionalisation. La régionalisation, c'était censé donner plus de libertés de comportement, mais vous voyez tout de suite le danger. Parce qu'en ce qui concerne la redistribution de l'impôt et du service public, s'il est à la charge de l'État il y a obligatoirement une péréquation.

Ce que je vous disais pour la Sécurité Sociale tout à l'heure, pour celui qui habiterait dans un village où il n'y a pas d'industries ni rien, il bénéficierait de la Sécurité Sociale comme un autre, c'est la même chose pour la gestion par délégation des communes de ce que l'État leur délivre ou leur assigne. Il y a un financement différent, vous savez bien qu'il y a une différence entre les impôts à Paris et à Tulle.

Et d'ailleurs et c'est une nécessité, ça rentre toujours dans la règle que j'énonce comme étant la principale qui justifie le service public. C'est justement l'égalité, c'est la péréquation, la redistribution pour que tout le monde puisse bénéficier de l'évolution.

Ça a commencé petitement, ça s'est accru et nous sommes arrivés à un moment où, à mon avis, c'est même plus une affaire de conception. Le gouvernement ne peut pas faire autrement. Si le gouvernement maintient le système, il est obligé d'augmenter systématiquement l'impôt.

Comment voulez-vous augmenter l'impôt si les salaires n'augmentent pas ? A rendre mécontents les salariés au point de vous faire renverser. Ou alors il faut effectivement que le gouvernement, s'il veut assumer le maintien du service public, il doit déléguer,  donner à gérer, il doit dire au maire de Marseille : «  Démerde-toi, mais on ne te transfère plus tant de millions maintenant, ce sont les impôts locaux qui vont augmenter. »  Sont-ils plus justes moins justes ?         

C'est un grand débat que personne ne fera jamais sur l'imposition fiscale. J'ai eu l'occasion de discuter avec Delors de cela. Il m'a dit : «  Mon cher ami, » c'est lui qui dit mon cher ami c'est pas moi, « mon cher ami, personne n'osera faire une réforme fiscale en totalité, disons partielle peut-être ! »

Les hésitations viendraient tout simplement du fait que, selon eux, ils ne connaissent pas le degré de réaction des gens sur lesquels on crée un prélèvement fiscal. Donc ils ne seraient pas sûrs du financement du budget. On ne fera jamais une réforme totale.

Pourtant, je le souhaiterais volontiers car contrairement à tout ce qu'on peut raconter, c'est encore directement ou indirectement les salariés qui payent. Que ce soit par la TVA ou par les prélèvements mais c'est comme ça. Il y a cette pression qui vient pour satisfaire les besoins des normes européennes, mais ce ne sera pas suffisant.     

Alors on va vers la mise en place, et je vous demande de réfléchir à mon propos, vers une République qui serait une République fédérale. Nous n'aurions plus une République unitaire une et indivisible comme le dit la constitution, mais nous aurions une République qui serait comparable à celle de l'Allemagne, c'est-à-dire avec des territoires. Mais ne pensez surtout pas que c'est théorique et que je vous fais peur. Cela peut prendre différentes formes.

Déjà lorsqu'on essaie de faire une consultation électorale en Corse, c'est déjà amorcer le truc, lorsqu'on essaie de faire une consultation qui a été négative en Alsace, c'est déjà amorcer le truc. Cela veut dire que toute une série de dispositions, la législation générale, le droit général qui est applicable partout sur le territoire français risquerait, pour des raisons diverses de ne pas être appliqué partout et de la même façon. Mieux, il pourrait se modifier.

Ne me dites pas ce n'est pas vrai, c'est déjà vrai !

Non pas parce que tel juge à Pau n'a pas jugé comme à Paris. Non, mais parce que dans le monde du travail il y a l’ANI. Qu'est-ce que c'est que l'ANI ? L'ANI, c'est la transformation du droit français. Le droit français est le droit romain, c'est le droit écrit. Il est applicable partout et en tous lieux.

Une entreprise va avoir des difficultés, elle se libère de ses obligations, elle n'applique plus les conventions collectives. Elle fait des dérogations qu'elle négocie pour l'instant. Mais qui me dit que dans le département d'à côté une autre entreprise ne se trouve pas dans une situation comparable et ne va pas discuter elle aussi d'une dérogation aux droits, différente celle-là ?

Vous savez j'ai connu ça. Il y a certainement des camarades qui ont connu ça aussi. Dans le temps, c'était quasiment légal. Il y avait des salaires différents selon les départements. Oui, je me suis battu contre ça, il y avait des salaires différents, les abattements de zones.

C'est-à-dire que, même les conventions collectives ne mettaient pas des salaires nationaux, mais mettaient des salaires différents. Il a fallu qu'on se batte pendant quelques années pour réussir à les supprimer. De fait, je prends les salaires parce que c'est plus simple, mais cela veut tout simplement dire que là où nous nous trouvons quand il y aura l'ANI, s'il y a l'ANI, ça peut bouleverser complètement le code du travail.

La meilleure comparaison que je connaisse, et ça c'est parce que j'ai été pendant des années au conseil d'administration du Bureau International du travail, ça s'appelle la soft Law in english c'est la « flexibility ».

La « flexibility », c'est ce que les patrons anglo-saxons réclament toujours. Pendant 20 ans je les ai entendus dire qu'il faut plus de « flexibility »« Nous ne sommes plus d'accord avec les normes internationales du travail applicables à tous, il faut de la flexibilité, d'accord c'est un objectif mais on les appliquera selon les circonstances ! » C'est la soft Law. Appliquer la loi selon les circonstances, c'est la soft Law.

Cela veut dire la disparition de la loi telle que nous la connaissons. Ne croyez surtout pas parce que c'est toujours le risque quand on prend un exemple, que l’ANI ait l’exclusivité de ces dérogations et écarts. C'est l'un des éléments les plus avancés dans le domaine du travail, mais il y a eu, on parle beaucoup de lui en ce moment, une circulaire au mois d'avril-mai 2011 de M. Guéant dont l'objectif était de consulter les représentants des administrations, et ça existe toujours, au niveau des conseils généraux, l'administration des hôpitaux pour leur dire comment faire, comment le service public doit être rendu de manière plus efficace.

Je me suis mobilisé contre cette démarche parce que parallèlement cela signifie des choses, croyez-moi, qui pourraient porter à conséquence. Vous imaginez dans cette réunion un débat sur le comportement des gens d'une religion dans laquelle les hommes ne peuvent pas ausculter les femmes. Alors le directeur de l'hôpital, pour donner satisfaction, ne met à disposition que des médecins féminins. Mais au bout de cinq ans, cet hôpital est sous l'influence de la religion en question. C'est-à-dire que le droit change que l’égalité n'existe plus. On nous conduit vers ce que j'appelle le communautarisme.

Au passage, mes chers amis, j'ai entendu tout à l'heure, ça n'annonce pas la paix, qu’aux États-Unis, les Blancs sont minoritaires. Les Noirs, les Asiatiques et les Latinos sont majoritaires. Ce qui veut dire qu’avec leur constitution, le communautarisme va aller à fond.

Vous savez ça se frotte entre eux d'un État à l'autre. Ils n'ont jamais pu faire un Etat unifié, même après la guerre de sécession. Ils ont un État fédéral, certes sur un territoire beaucoup plus grand que la France. C'est aussi beaucoup plus de citoyens que nous, mais pour être allé quelques fois aux Etats-Unis, il n'est pas étonnant que dans un ascenseur à Washington c'est moi qui aie servi d'interprète à un petit bonhomme parce que le troisième bonhomme c'était un gars du Texas qui ne comprenait rien du tout. Notre pays ce n'est pas ça, il y a une unité nationale, et sauf erreur de ma part, la révolution a été faite pour ça. Pratiquement toute l'histoire de France a été l'histoire du rassemblement même si certains nous reprochent encore la Vendée. Alors il faut bien comprendre, le service public devient l'instrument. Ou il nous amène les garanties ou il ne nous les amène plus.

Alors je vais pousser un peu le raisonnement pour provoquer : Telle province décidera qu'elle n'a pas à financer la SNCF alors le train ne s'y arrêtera plus. Il s'arrêtera dans la province d'à côté. Cela veut dire qu'on remet en cause l'infrastructure même. Troisième considération toujours pour gagner des sous ou plus exactement ne pas en dépenser, on vend les meubles. On vend, d'ailleurs on ne s'en cache même plus, on annonce le patrimoine et puis on dit : « Oui dans le fond, à quoi ça sert? On peut très bien le céder, on peut très bien le vendre. » Je me sers de Versailles et du château pour vous expliquer comment je me bagarre avec ces cons qui me parlent de déficit. Ça n'existe pas la faillite d'un pays! Valéry Giscard d'Estaing avait dû boire un coup le jour où il a dit qu'il fallait gérer la France comme une entreprise. On ne gère pas le pays comme  une entreprise. On ne peut pas faire faillite ! On fait faillite lorsque le patrimoine ne suffit plus à garantir la solvabilité. Vous voulez me dire la solvabilité de Versailles ? Combien ça représente ? Vous voulez me dire la solvabilité de la langue française ? Combien ça représente ? Combien il y a de choses immatérielles et architecturales qui font la richesse de la France ?

Qu'on ait des difficultés de trésorerie, bon, le précédent américain ! C'est même eux qui ont vulgarisé ça. Mes grands parents n'auraient jamais acheté à crédit ; cela leur paraissait indigne. C'est au lendemain de la guerre qu'il y a eu des acquisitions à crédit, y compris pour l'État. Et c'est normal ! Une société qui n'investit pas, au mieux elle fait la même chose l'année suivante. Donc au bout de 10 ans elle a régressé si elle n'a pas investi.

Quand vous achetez une voiture, ça ne veut pas dire que vous avez les 25 000 au 30 000 € que coûte la voiture, ce qui compte c'est la solvabilité pour les rembourser. S'il fallait attendre d'avoir 30 000 €, je connais bien des gens qui n'en auraient pas. Maintenant remarquez, s'ils achètent une bagnole qui coûte 30 000 € et qu'ils n'ont pas le pognon, c'est des sots !

Alors, le grand cinéma de la jeunesse, pardonnez-moi on est toujours le jeune ou le vieux de quelqu'un. Bien entendu la jeunesse financera à son tour. La vérité, c'est encore l'Europe, c'est qu'on ne peut pas se débarrasser de ça. C'est que le Franc est devenu l'Euro et que sa valeur ce n'est pas nous qui la fixons.

Lorsqu'il y a eu cet engagement et que nous avons abandonné notre monnaie et que nous sommes entrés dans l'euro, je vous jure ce que je vais vous dire est exact, j'ai eu un entretien avec le Président de la République qui n'était pas aussi enthousiaste que ça et qui me disait : «  Mon cher ami », il m'appelait mon cher ami, « nous allons rentrer dans la zone euro mais voyez-vous je suis certainement le dernier grand Président de la République. Les autres n'auront plus les mains libres ! » Je suis sorti et je me suis dit : «  Il est vaniteux le Mitterrand, c'est bien Mitterrand ! » D'autant plus qu'on m'avait dit qu'il ne s'occupait pas beaucoup d'économie, ce qui était, au passage, d'ailleurs faux,  mais après je me suis dit qu'il avait raison. Il a été le dernier qui était encore libre.

J'ai eu à l'époque des discussions avec un ancien Ministre qui s'appelait Albert Gazier qui avait été Ministre du travail et Jean Deflassieux qui était à l'époque président du Crédit Lyonnais et qui m'a dit : « Tu sais Marc, si nous abandonnons le franc, si nous abandonnons la monnaie française, nous perdons 50 % de notre liberté de comportement. » C'était juste, c'est ça la contrainte européenne. C'est comme ça qu'ils la justifient. C'est pour la valeur de l'Euro.

Alors ils vont continuer à vendre. Ils vont nous refaire ça. Ca va descendre ça va monter dans la gestion des services publics. Regardez-les, ils vont vers la commercialisation et je ne vous parle pas de la Poste notre camarade vous en parlera mieux que moi. Maintenant vous rentrez dans une Poste bientôt ils vont vendre -allez je vais provoquer- des Sex Toys ! Pardonnez-moi ce n'est plus la Poste que j'ai connue.

J'ai travaillé à la Poste, je triais 500 lettres au quart d'heure dans un centre de tri. J'étais étudiant, j'avais besoin de travailler, les copains m'ont dépanné, ils m'ont fait rentrer aux PTT, je suis allé jurer que je ne violerais jamais la correspondance et ça signifiait quelque chose. Blondel s'est senti ce jour-là un citoyen ! Je n'ai jamais été titularisé parce que je suis parti après, j'ai été faire un peu d'enseignement, mais cette démarche représentait quelque chose. Et vous savez quand on trie 500 lettres au quart d'heure et que vous avez le contrôleur qui passe et que vous êtes en retard ! Il ne dit rien, il vous met  la main sur l'épaule. Ca suffit ! On ne va quand même pas garder les lettres, il faut bien que tout s'en aille. La levée se fera. Il fallait y aller et nous y allions, tous, et c'était la même chose après. Absolument, on était content. On savait qu'on servait à quelque chose et dans les bureaux de Poste c'était la même chose.          Maintenant, quand on va dans les bureaux de poste on se demande si la dame n'est pas obligée de faire comme si elle vendait des cacahouètes. Ce n'est plus du tout le même esprit, ce ne sont plus non plus les mêmes fonctionnaires dans les bureaux de Poste.

Regardez le préposé, que je continue à appeler le facteur, c'était le copain. Tout le monde le connaissait. J'habite, maintenant que je suis retraité, dans un petit village du nord de l'Eure-et-Loir de 350 habitants. Le préposé, quand il passait, il disait toujours bonjour. Dans le village il y avait un ancien militaire que tout le monde appelait colonel et quand il rentrait, le préposé disait : «  Bonjour mon colonel » Et un jour, ça ne répondait plus. Le colonel était mort. C'est le facteur qui l'a vu, c'est le facteur qui est allé à la mairie. C'est aussi le facteur qui achetait très régulièrement une baguette à la dame qui habitait un peu plus haut. Il la mettait dans la petite camionnette et lui amenait sa baguette. Et je ne parle pas des médicaments.

Ça, c'était la fonction publique, ça c'était le service au public !

 C'est une inspiration qui n'a rien à voir avec Monoprix ou avec un supermarché. Vous verrez que la Poste s’ouvrira à l’actionnariat.

C'est tout autre chose et c'est vrai sur les prix maintenant. Je me suis rendu la semaine dernière à Lyon. Le train je l'ai payé 120 € à l'aller et je l'ai payé le tiers au retour. Je trouve ça tout à fait anormal. A partir du moment où on prend les principes qui sont les principes de la gestion privée de la démarche de clientèle etc., ce n'est plus le service public.

Le service public, c'est quand on en a besoin. Voilà, c'est tout ! Et on doit le trouver !

En ce moment ils sont en train de tout, tout réformer. On gère le service public comme une entreprise privée. Au moment où, en plus, on arrive aux contradictions du privé. Il faut quand même le faire ! Au moment où cela démontre que les entreprises privées vont à la catastrophe.

On est en train de casser en quelque sorte le soutien de l'activité française. Voilà ! On casse l'appareil.

J'ai cité, au début de mon propos, la SNCF. Vous vous rendez compte, sur notre territoire, ils vont l'ouvrir à la concurrence. Demain, entre Paris et Poitiers, on aura peut-être un train allemand ou italien. Ça mérite quand même réflexion. Mes camarades d'EDF et mes camarades de la SNCF me disent tous que le réseau d'entretien qui n'est plus maintenant géré directement par la SNCF ni par EDF, est dans une situation quelque peu précaire et que le citoyen Pépy, tous les matins, dans la limite où s'il croit en Dieu, j'en sais rien, il peut faire la prière pour qu'il n'y ait pas un pépin dans la journée. Et c'est vrai pour EDF aussi.

Mes chers camarades, je pèse à l'heure actuelle sur le Premier Ministre en lui lançant l'idée, et ça revient à la notion de service public: « Il faut ouvrir des ateliers nationaux. »

Des ateliers nationaux, soyons clairs, ce n'est pas du tout du socialisme comme d'aucun voudrait le faire croire, la meilleure preuve c'est que Napoléon III les avait utilisés, que Colbert les avait utilisés. Les ateliers nationaux, c'est tout simplement de trouver le moyen de donner du boulot à des gens et satisfaire un besoin de la population. Alors je dis, il n'y a plus d'école EDF, avant, il y en avait une. Il n'y en a plus. Il n'y a plus d'école SNCF. Il faut refaire une école. Il faut y mettre toute une série de choses : EDF, GDF, les voies navigables, la consolidation des centrales nucléaires, les forêts, il y a intérêt à nettoyer les forêts françaises, enfin autant de secteurs qui provoquent de l'économie autarcique. C'est-à-dire que là, on ne dépend pas de la mondialisation. Autarcique chez nous.  Et on regarde.

Est-ce qu'on a intérêt à ce que les jeunes soient au chômage et perçoivent des allocations qu'il faut augmenter etc. Ou, est-ce qu'on a intérêt à les mettre au boulot, à les former : trois jours de travail, deux jours de formation ! Et de faire ça pendant trois ou cinq ans pour qu'ensuite ils puissent basculer et avoir du boulot.

Vous connaissez la réponse : « Ton idée est bonne Marc, mais budgétairement on ne peut pas. »  Or, mon idée est justement la restauration du service public, parce que tout ça c'est le service public.

Et je dis bien ce n'est même plus un enjeu politique, ce n'est pas d'être de gauche quand on est pour les nationalisations ou de droite quand on est contre. C'est dépassé. Maintenant c'est une nécessité de caractère économique pour notre futur. Alors il y a encore un moyen de se consoler. C'est la cerise sur le gâteau.

Cette notion qu'ils appellent public/privé comme je l'ai dit tout à l'heure, c'est le ver dans la pomme.

Eh bien cette notion du public-privé, mes chers amis, est maintenant projetée, j'hésite à le dire, aux Nations-Unies, pour la gestion même de l'ONU. Est-ce que vous vous rendez compte de ce que cela signifie ? L'ONU est financée par prélèvement sur tous les pays en fonction de leur richesse. Tous les organismes internationaux sont financés comme ça. Comme les pays ont des difficultés financières, comme le nôtre, ils rechignent à payer, alors ils s'ouvrent au privé, ce qui veut dire que les sociétés capitalistes le CAC 40 etc. vont donner des sous pour faire fonctionner ce qui devrait mettre debout les systèmes, pour les contrôler.

Il y a une vieille théorie qui dit que celui qui paye dirige. Alors il ne s'agit pas de dire, on va modifier l'immeuble de l'ONU, ce n'est pas ça  du tout, c'est pour les interventions propres de l'ONU. Je dis plus simplement :  « Dis-moi qui te paie ta bagnole et je te dirai qui est le chef. » C'est évident ! C'est-à-dire que le ver n'est pas un petit ver, il a fait du boulot ! Et personne n'y trouve ombrage.

Je n'entends pas les hommes politiques lancer le débat à cette dimension. Je les entends parfois défendre les nationalisations, je les entends s'immiscer dans le combat syndical. J'ai entendu tout à l'heure une sénatrice qui avait raison. Mais ce n'est pas suffisant !

Laissons au syndicat son boulot de défense des intérêts des travailleurs, mais lorsque la gestion pour les intérêts des travailleurs se fait dans le service public, il faut que ce soient les hommes politiques qui le prennent en charge. C'est la différence. Nous défendons, nous, les intérêts des salariés. Eux, ils gèrent l'intérêt général.

L'intérêt général, ce n'est pas obligatoirement l'intérêt des salariés, c'est aussi l'intérêt de développer la société etc.  Ca veut dire que ce ne sont pas les hommes politiques.

Alors je vais vous dire, mais ça c'est mon ultime vacherie, c'est parce que ce sont tous des énarques. Ne souriez pas ! Je vous l'ai dit tout à l'heure que j'étais politiquement pour que l'ENA soit ouverte à tout le monde. Mais l'ENA fait le boulot inverse. Regardez bien ! Non seulement les énarques sont devenus les chefs de l'administration, ça c'est normal, c'était leur vocation, mais on les retrouve aussi dans le privé, à la direction des entreprises, on les retrouve comme élus, comme députés. Regardez les députés. Dites-moi combien il y a d'ouvriers en tant que députés. Et on les retrouve au gouvernement. Ils sont majoritaires. Et comme ça ne suffit pas, dans les cabinets ministériels.

Et vous savez l'énarchie, c'est la gestion du possible. Un énarque, il a appris à gérer un budget. Il faut qu'il le fasse du mieux possible et si possible avec des économies. C'est ce que j'appelle la gestion du possible.

Or, toutes les fois où la classe ouvrière a gagné quelque chose, cela a été jugé, initialement, impossible : 1936 les congés payés, impossibles disaient les patrons. Rendez-vous compte 15 jours en 1936 ! Rendez-vous compte maintenant ce que représentent les congés payés ! Combien ça a fait développer d'hôtels de tourisme en France etc. On se flatte d'être un des premiers pays touristiques au monde. Ce ne sont pas simplement des touristes étrangers, c'est aussi vous et moi.  C'était impossible ! La sécu, ils étaient contre. Et puis regardez, je vous ai dit que c'est 27 % du PIB maintenant. Or c'est ça  l'intelligence, d'avoir créé ça ! Non seulement parce que ça satisfaisait les revendications. Je suis en train de dire que les salariés sont intelligents. Ils anticipent leurs besoins, deviennent l'élément moteur.

Mais l'intelligence c'est de mettre debout les choses, de créer une dynamique pour qu'ensuite effectivement il y ait des retombées économiques. Vous vous rendez compte, je vous ai cité toutes les garanties que nous avons dans le domaine médical avec la sécurité sociale. Il y a des gens qui, s'il n'y avait pas la sécurité sociale, quand ils sont malades, seraient en difficulté. Donc, c'est clair, ça veut dire c'est un soutien permanent. Cela a une valeur d'échange qui conduit justement au développement économique, et à partir de ce moment-là, je ne comprends pas !

Tu as employé tout à l'heure, un propos, peut-être que vous pensez que j'exagère, vous allez vous dire peut-être que c'est exagéré, tu as employé un bon mot au nom de la Grèce, nous ne sommes pas encore dans le noir, mais nous sommes dans l'ombre. Je vous assure, il ne faut pas dans ce domaine croire aux miracles.

La première « connerie » du gouvernement, c'est de croire que les patrons embauchent pour le plaisir. Les patrons n'embauchent que s'ils en ont besoin ! D'ailleurs un patron qui embaucherait pour le plaisir serait le dernier des fous.

Vous voyez, il a un atelier de 300 personnes, il en embauche cinq qui n'ont rien à faire, alors ceux-ci foutent la panique dans le truc ! C'est gagné d'avance ! Il tue sa boîte s'il fait ça. Les patrons n'embauchent que s'ils en ont besoin.

C'est une donnée objective à laquelle ma fois, j’ai été confronté assez souvent pour le savoir. Les plus généreux y compris ceux qui disent : « Ah  oui !  Pour les moins de 25 ans, on paye moins de cotisations, alors on embauche ». Mais c'est qu'ils avaient l'intention d'embaucher ! Il fut même un temps où les experts-comptables - l'un d'eux me l'avait expliqué - connaissaient 37 situations différentes d'embauches avec plus ou moins de dégrèvements etc. Alors quand un patron devait embaucher, il avait le choix, il prenait celui qui coûtait le moins cher. Ce qui veut dire que toutes les dispositions temporaires d'exonération, n’ont qu'un effet d'aubaine.

En commençant cet exposé, je vous ai dit que j'aurais pu vous faire une présentation académique de ce que sont les services publics, mais peut-être que si j'avais fait ça, vous n'auriez pas autant senti la sincérité de mon propos. Je vous remercie de m'avoir écouté.

Denis Langlet : C'est nous qui te remercions et si certains d'entre vous veulent dire un mot.

 

Le débat

Marc Blondel: Ne me laissez pas l'impression que vous êtes satisfaits et repus.

Jean-Philippe Nallet, député socialiste : J'ai été très sensible à votre propos. Je fais partie de cette minorité de députés socialistes qui n'ont pas voté la ratification du Traité, qui n'ont pas voté l'ANI. J'ai été très sensible dans vos propos à l'articulation des questions majeures entre la France et l'État, la Nation et l'Europe. Si on reprend toute l'histoire de France, il y aurait un travail d'historien extrêmement intéressant à faire concernant la souveraineté populaire, qui s'est incarnée après la révolution française dans la souveraineté nationale. Cette notion a été laissée en jachère par la gauche conduisant à des effets pervers. Le problème c'est que la gauche aujourd'hui développe une politique libérale et libertaire. Or, cette idéologie libérale libertaire, dès lors que l'on se réclame de la classe ouvrière comme c'est mon cas, peut être considéré comme fasciste. Je faisais remarquer à plusieurs de mes camarades socialistes que lorsque la loi sur le mariage homosexuel a été votée, l'ensemble des députés socialistes s'est levé en scandant : « Egalité, égalité ! » J'ai rappelé quand même que lorsqu'il y a pratiquement 9 millions de personnes en dessous du seuil de pauvreté, que l'appauvrissement social s'intensifie et que le chômage explose, on emploie le mot d'égalité avec beaucoup plus de précaution.

Marc  Blondel : Je vous remercie Monsieur le Député, j'espère que ce n'est pas une façon simplement d'être courtois. J'ai bien compris que vous partagiez mon analyse que, volontairement, j'ai évité de placer sous l'analyse politique. C'est d'ailleurs un véritable problème parce que c'est vrai, les différentes conceptions politiques ne s'affrontent plus comme elles s'affrontaient il y a encore quelques années. Que l'on n'en est plus à la conception du marxisme, voire du socialisme, opposé au libéralisme etc... Il y a une espèce d'osmose qui fait que le libéralisme devient une espèce d'élément moteur. Bien qu'il y ait plusieurs sortes de libéralisme.

Je vais me permettre une image pour sensibiliser mes amis. Le libéralisme, tel qu'il est conçu à l'heure actuelle dans le monde moderne, est accroché au capitalisme. C'est l'argent qui devient la valeur déterminante. C'est-à-dire que l'argent devient en lui-même une valeur. A telle enseigne qu'il y a une espèce de plafond de verre.

Quand on se bagarre, quand on revendique, il y a un blocage. D'où vient ce blocage ? Je n'ai jamais cru à la synarchie mais j'ai fini par croire qu'il y a une synarchie de fait. Personne ne la dirige. Autrefois, un patron était responsable des résultats de son entreprise sur ses deniers. Alors c'était clair. Si ça ne marchait pas, s'il déposait son bilan, il faisait faillite. Maintenant ce n’est plus du tout ça. Ce sont les actionnaires. Mais, les actionnaires ça peut être vous, ça peut être moi. On ne les identifie plus. Ici, peut-être demain, quelqu'un qui jouerait au loto et qui toucherait 2 millions d'euros, que feriez-vous, vous iriez à la  banque le lendemain les déposer en disant : «  Combien ça me rapporte ? » Mais vous auriez totalement oublié que le rapport, vous savez le taux d'intérêt, c'est le travail des autres, c'est le travail des copains, c'est-à-dire ce que vous faites aujourd'hui. Et demain vous êtes devenus capitalistes ! Pour bien comprendre que c'est ce phénomène qui s'est développé à un point tel qu'on ne peut pas dire, en gros, que c'est le capitalisme qui gère mais ce sont les intérêts capitalistes qui contraignent la gestion.    

C'est quelque chose de terrible y compris sur le plan syndical, car notre interlocuteur, à sa façon, n'a pas plus de liberté que nous. Il faut bien le comprendre. Et l'une de nos erreurs, à laquelle je m'associe, c'est qu'on n'a pas formé les citoyens.             Il y a quelques années, j'ai écrit à une secrétaire du parti socialiste que j'avais connue comme Ministre du travail, et dont je tairai hypocritement le nom : «  Il serait peut-être temps de refaire une école, une école  du socialisme. » 30 ans avant, moi, je l'ai connue. Mais il y a eu autre chose à faire ! Nous n'avons pas assez expliqué au gens ce que signifiait les choix, les orientations, pourquoi ? Comment ? Etc.

Il suffit qu'on discute avec les gars pour se rendre compte qu'ils prennent des positions sans connaître les tenants et les aboutissants. Ca veut dire qu'ils ne sont pas à l'abri de manipulation et qu'avec les moyens modernes d'informations, elles sont nombreuses les manipulations. Et puis surtout, ce qui aurait pu être un formidable instrument d'éducation, regardez ce qu’est devenue la télévision maintenant, c'est l'effet émotionnel qui compte. Les gens deviennent anxieux. Immédiatement, ils sautent sur une donnée, sans commentaire, sans se poser la question : « Où ? Quoi ? Comment ? » Etc... Nous sommes victimes de l’événementiel. On pourrait rêver d'un enseignement, pas seulement un enseignement de la culture et des choix des partis, mais qui conduirait les gosses à se poser des questions pour ou contre.

Nicole Mahoux : Je voudrais expliquer la raison pour laquelle je suis arrivée à écrire un livre sur ma profession. Alors je vais rentrer dans ce que tu viens d'expliquer Marc.

En 1971 je rentre dans une administration d'État qui s'appelle les PTT. En 2009, fin 2009, je fais valoir mes droits à la retraite dans une Société Anonyme. C'est la réalité ! Alors certes j'ai encore une pension, mais néanmoins...

Alors dans ce livre je me suis efforcée de retracer ce que fut mon intégration dans la fonction publique où il existe un statut, tu en as parlé Marc. Mais je vais essayer de développer. Un statut, ce sont des règles qui s'appliquent à tous, de façon égalitaire. En 1971 quand je rentre en tant qu'auxiliaire, je peux espérer progresser et avoir un déroulement de carrière. C'est pourquoi le receveur, l'inspecteur viennent me voir et me disent : « Qu'est-ce que tu as comme diplôme ?  Tu as le BEPC, tu peux passer le concours d'agent d'exploitation, tu as le bac, tu peux passer le concours de contrôleur. »

Avec le BEPC, je suis en catégorie C. Avec le bac en catégorie B. J'écoute leurs conseils et je passe les deux concours. Mon salaire d'auxiliaire était de 900 Fr. Les chiffres exacts sont dans le livre. Après je réussis le concours de contrôleur  et je passe à 1700 Fr. J'ai doublé mon salaire, alors qu'aujourd'hui l'immense majorité des contractuels embauchés à la Poste ou à France Telecom ne peuvent pas compter sur la même chose. Impossible !

Alors ce statut qui a été obtenu en 1946 a nécessité de longues grèves pour en arriver là et être une réalité. Ils n'ont pas le droit de grève et pourtant ils font grève. 

Pourquoi ce statut est-il si important ? Il établit en premier, et c'est ce que je mets en premier. Comment se fait le recrutement ? Ça c'est essentiel et je parlerai après des enseignants. Les concours sont ouverts à tous et, quand le concours est ouvert, on sait quel grade et quelle catégorie sont recherchés. Et ce grade, cette catégorie correspondent aux diplômes de l'Education nationale. Avec le BEPC c'est la catégorie C, avec le bac c'est la catégorie B. Pour la catégorie A il faut la licence. Comme quoi tout est dans tout.

Je  dis que ce sont des repères pour toute une génération parce que personne ne peut y déroger. C'est la loi générale. Alors ensuite ce statut définit des droits à congés, la mutation, le déroulement de carrière et bien d'autres choses. Partout à l'heure actuelle, on assiste au démantèlement des droits et rappeler cette chose-là me paraît fondamental. Que se passe-t-il ensuite ? Les PTT ont un caractère bien sûr industriel et commercial. Vous lirez les chiffres : des millions d'objets qui passent par la Poste, des millions d'opérations que gèrent les chèques postaux. Les multinationales du téléphone qui sont au cœur de la finance attendent et comprennent qu'on peut faire de l'argent avec le téléphone.

Mais quand ils découvrent les avoirs de la Caisse d'Epargne, des CCP, alors là ! C'est impossible, ça leur sort par les yeux !

Alors je rentre en 1971 et en 1974 voilà que s'engage la plus grande grève des PTT qui n'ait jamais existé. Sept semaines sur le pont et on retarde, grâce à ça, de 16 ans les plans qui étaient déjà prêts en 1974. Tout était prêt ! Et d'ailleurs dans la rue, on criait :« ITT Thompson n'auront pas les télécoms ! » Je m'en souviens, je faisais partie des jeunes à l'époque et nous avons fait une grève active que je relate dans le livre.

Je raconte qu'en mars 1990, voilà que la loi Quilès-Rocard est déposée. Que fait cette loi ? Elle supprime dès le départ les catégories ABCD. Elle remplace les grades par les fonctions. Elle supprime le recrutement par concours. C'est autour de ces trois axes qu'ils vont tout dézinguer. Elle crée des formes de travail pour des contractuels de droit privé inédites à l'époque. On est en 1990. C'est là que s'invente le contrat indéterminé intermittent, c'est-à-dire qu'on vous téléphone quand on a besoin de vous ! C'est la poste qui a créé ça. Et au fil des ans, les suppressions de postes, d'emplois vont créer un certain chaos, pour ne pas dire un chaos certain ! Les services sont littéralement asphyxiés.

Autrefois, quand on était à la poste, quand on partait il n'y avait aucune lettre en souffrance. Maintenant ce sont des milliers de lettres et de dossiers en souffrance. Travailler dans des conditions comme ça, c'est de la souffrance. Alors il y a aussi une autre chose sur laquelle je voudrais insister. Le fonctionnaire, il sert les usagers. Ce mot est ringard maintenant dans la tête des nouveaux dirigeants. Il faut transformer le postier  en vendeur et l'usager en client. C'est cela qu'ils veulent faire. Alors la Poste recrute des personnes extérieures à la Poste et à France Telecom.

Le premier qui arrive à la Poste s'appelle Jacques Lenorman. Il vient du Crédit Agricole,  de Safran la plus libérale. Très ami avec les Américains, il déclare quand il arrive : « La Poste est un peu la belle au dépôt dormant ! » Cet argent déposé sur les livrets A doit rapporter pour lui. Il faut introduire tout ça en Bourse. Et sous son règne, des milliers de commerciaux et de vendeurs vont être formés avec des objectifs chiffrés. C'est-à-dire :   « Tu me fais tant d'ouvertures de ceci, tant de trucs de cela ».

Au téléphone, ce n'est pas mieux. C'est Lebreton, Lombard plus le dernier qui est en délicatesse on va dire et qui agissent de la même façon avec les mêmes résultats que l'on sait. Car à la clé,  il y a les suicides et les salariés qui viennent travailler la boule au ventre et qui se bourrent de lexomil. Alors cette histoire, pourquoi je la raconte ? Parce que si on n'y prend pas garde, elle pourrait être celle des enseignants. En sommes-nous si loin ? C'est la question que je pose. A force de recruter des précaires et là je me rapporte au communiqué de la Fnec FP FO du 25/05/2013 qui nous dit qu'à la rentrée il y a 23 000 jeunes enseignants qui seront payées moins de 700 € par mois, en dessous du seuil de pauvreté. Sans le statut de fonctionnaires stagiaires. Ensuite le concours Peillon va recruter 18 000 étudiants en deuxième année de Master pour enseigner 9 h en moyenne par semaine dans les écoles, 6 h en collège et lycée en attendant de passer le concours d'admission.  5000 étudiants de licence deuxième année seront recrutés sur un emploi d'avenir en CDD : 402 € pour 12 h. Alors je pose une question : « C’est déjà ce qu'on connaît à la Poste. On y est déjà ! » Alors pour finir de faire tourner les choses il suffit de très peu. Grâce à l'acte II de la Refondation, ils vont faire rentrer les personnes étrangères dans l'Education nationale et qu'est-ce qu'ils vont faire ? La même chose que M. Lenorman. Ils vont leur expliquer qu'ils ne savent pas apprendre aux gosses à lire, écrire, compter. Ils vont les mener ailleurs que là où ils doivent aller, parce que nous, on n'a jamais demandé à vendre des cartables, des enveloppes, des crayons de couleur, de la papeterie. Alors ils vont dire aux enseignants qu'ils sont ringards, qu'il faut évoluer !

Ce livre que je viens d'écrire, c'est un témoignage, à mon niveau bien sûr, de ce que j'ai vécu, de ce que la profession a vécu. Je dis maintenant qu'il faut arrêter, qu'il faut dire non à toutes ces réformes parce qu'on voit où elles conduisent. C'est la privatisation pure et simple. lls ont fait ça parce qu'ils font de l'argent et certains en profitent grassement, vous verrez les salaires de nos dirigeants, je les ai publiés. Voilà !

Je tiens encore à remercier Denis pour  l'aide qu'il m'a apportée tout au long de l'élaboration de ce livre, pour ses conseils, pour sa grande patience et l'institut IESE qui l'a publié.

(Applaudissements)

Jacques Savigny : Je suis enseignant retraité. Je vais enchaîner sous deux aspects. La camarade a expliqué concernant le déroulement de carrière qu'il y avait des concours internes mais qui se référaient aussi à des diplômes. Il fallait le BEPS, il fallait le bac, il fallait la licence etc. Et j'y reviens parce que c'est quelque chose d'extrêmement important. Ce qu'elle a dit à la fin sur les enseignants je ne veux pas revenir là-dessus parce que c'est parfaitement juste et je le partage entièrement.

Mais il y a un autre aspect au  niveau de l'enseignement,  ce sont les lois Peillon ou la loi Fiorazzo pour le secondaire qui sont en liaison directe avec ce que Marc disait tout à l'heure au niveau des tentatives aujourd'hui sur la régionalisation.

La loi Peillon prévoit de faire éclater l'école de la République qui  est un service public garantissant la même éducation pour tous les citoyens où qu'ils soient dans le pays.

Cela va faire que les enseignants dont le statut est national passeront sous statut territorialisé  dépendan des politiques locales. Donc on va avoir une école qui ne sera plus gérée par des programmes nationaux, qui ne délivrera plus des diplômes nationaux, mais une école gérée par des projets territoriaux et les diplômes nationaux sauteront. Et derrière les diplômes nationaux ce sont les conventions collectives et toutes les conditions afférentes. Pour ça, il faut effectivement casser le statut des enseignants parce que le statut c'est aussi le fait que le fonctionnaire est protégé. Or avec la loi Peillon, les enseignants seront sous la dépendance des « petits seigneurs locaux », ceux qui vont diriger les communautés de communes ou les métropoles et ainsi revenir bien en arrière quand l'instit était à la botte du maire, du patron et du curé. Alors que le statut de la fonction publique le préserve de cela.

Marc Blondel : Je vais ajouter un mot parce que je suis tout à fait d'accord, ma démonstration conduisait  à ce genre de chose. J'ajouterais qu'en plus il faut se rendre compte que pratiquement Peillon veut mettre en concurrence l'école. Et quand je dis ça, c'est clairement la concurrence entre l'école publique et l'école privée. C'est clair, sa démarche est sans ambiguïté.

C'est aussi pour ça qu'il y a quelques jours à la télévision vous avez entendu ce grand point d'interrogation sur le baccalauréat. Faut-il ou ne faut-il plus de baccalauréat ? Mais voilà, ça coupe toute la structure des recrutements conventionnels etc. Il remet cela en question dans le secteur public mais aussi dans le secteur privé. Dans les conventions collectives, il est fait référence aux diplômes et aux qualifications. On est en train de restaurer l'apprentissage des langues régionales et ça c'est encore l'Europe. C'est encore l'Europe qui a mis à l'ordre du jour l'apprentissage des langues régionales. J'ai vu que dans la région de Pau il y a des gens qui s'y précipitent. C'est l'enseignement privé qui se précipite pour aider  les conseils généraux à mettre en place ces nouvelles structures et leur financement. Je suis actuellement en train de me battre pour la réhabilitation des fusillés pour l'exemple et j'ai lu qu'un soldat corse qui avait été fusillé pour l'exemple alors qu'il ne comprenait même pas ce que l'armée lui reprochait en 1914/1918 parce qu'il ne comprenait que la langue corse. Il a été fusillé pour l'exemple, comme ça !

Inversement si demain à Pau, il y avait un zigoto qui disait : « Je suis au tribunal et je ne réponds que si on m'interroge en occitan.» Qu'est-ce qu'on fait ? Où en sommes-nous du droit français ? Je ne dis pas que c'est fait. Je me mets à la place de quelqu'un qui habite à Pau. Si je n'ai pas de boulot et que j'apprends que le conseil général recherche des enseignants qui parlent occitan, je mets un de mes gosses à travailler l'occitan pour qu'il trouve du boulot. C'est tout bête et là on se démolit soi-même.  C'est pour cela qu'il faut former les citoyens, pour éviter ce genre de choses et que chacun mesure ce que cela représente comme dimension et comme conséquence.

Fabrice Charbonnier: La question qui découle de tout ce que tu viens de dire c'est : « Combien ça coûte ! » Voilà, je me présente je suis délégué syndical dans le privé. Cela me fait super plaisir de t'entendre Marc sur tout ce que tu viens de dire. On est là pour se parler honnêtement. Moi, des fois je ne sais plus, je suis perdu en tant que syndicaliste,  en tant que délégué syndical. Au fur et à mesure de nos discussions, peu importe nos corps de métier, on vient tous faire un droit d'inventaire.

C'est un tout, pour le public comme pour le privé. C'est le démantèlement comme tu l'as expliqué ! Les gouvernements n'ont plus les mains libres et moi, j'ai envie de te demander ton avis, de te poser une question : « Qu'est-ce qu'on fait ? Comment tu vois les choses ? » Parce qu'il n'y a pas de fatalité et à un moment donné sur cette opposition public-privé qui m'agace, j'ai envie, au sein de nos revendications et de nos discussions, d'élever le débat au même niveau que tu l'as présenté et j'ai envie de te demander tout simplement comment tu vois les choses. On est dans l'ombre, mais il n'y a pas de fatalité !

Marc Blondel : C'est une gentille question, car tu es en train de me rajeunir de 10 ans ! Ce n'est pas à moi qu'il faut poser la question, mais à Jean-Claude Mailly. Je ne suis plus à la tête de l'organisation. Voici les quelques réflexions que je peux avoir en la matière : premièrement, il ne faut surtout pas opposer salariés du public et du privé. Car il faut bien se rendre compte qu'on peut être contre la privatisation du secteur public sans pour autant être contre la nationalisation du secteur privé. Ce sont des questions légitimes.

Deuxièmement la classe ouvrière est unitaire dans sa forme. C'est pour ça qu'on a des structures qui sont des unions départementales interprofessionnelles dans une confédération. Sinon on n'aurait gardé que les structures strictement fédérales et professionnelles. La classe ouvrière forme un tout.

Sur le plan des principes généraux de l'organisation syndicale, celle-ci se veut compétente pour défendre les intérêts des travailleurs qui ne sont pas obligatoirement la même chose que l'intérêt général. Mais pour autant le syndicat ne suffit pas lui-même. 

Le problème que nous avons est typiquement français, c'est ce qu'on appelle la charte d'Amiens qui définit le syndicalisme français et assure son indépendance et sa liberté de comportement.

J'ai eu l'occasion de discuter avec Pierre Mauroy et celui-ci me disait : « Si nous faisions ce que les autres appellent la social-démocratie, comme en Angleterre où le syndicat finance le parti ?». J'ai répondu que personne n'a intérêt à ça. Je lui ai dit que les élus ont besoin de la classe ouvrière comme contrepoids pas comme contre-pouvoir ! Il ne s'agit pas que le  syndicat prenne leur place.

Regardez bien l'Angleterre. Les Trade Unions, c'est-à-dire les syndicats, finançaient le Labour Party c'est-à-dire le parti socialiste. Et ils ont eu Tony Blair ! Allez parler maintenant, avec les syndicalistes anglais, des socialistes, vous allez voir comment ils vous accueillent !

Je ne peux pas te répondre plus précisément, premièrement parce que je suis out, on ne peut pas être et avoir été. Je ne peux pas dire syndicalement comment s'en sortir. Bien sûr j'ai mes idées mais attends, si j'ai le malheur de dire que je suis pour le plein emploi, on me regarde et on me situe à l'extrême gauche, je suis un extrémiste ! Je vous rappelle que Mitterrand a dit qu'il fallait le plein emploi. Mitterrand à l'extrême gauche ça fait sourire !

Le pire qui puisse se passer, c'est que nous n'ayons pas conscience de la réalité. Quand tu expliques ce qui se passe chez toi, tu expliques aux autres ta réalité, tu amènes ta réalité comme la camarade qui explicite ce qui se passe aux PTT, elle nous informe. C'est ça qui peut nous faire réfléchir, nous faire avancer et avec la solidarité et la volonté de combat il faudra qu'on y aille.

Je ne suis pas nostalgique de la grève. Je n'ai jamais hésité quand il fallait la lancer. Généralement quand j'ai lancé ce mot d'ordre c'était toujours avec des mots d'ordre de grève justifiés, précis, fondés, parce que les travailleurs n'ont pas à se mettre en difficulté en faisant des grèves simplement pour se faire entendre. Moi je suis persuadé que nous irons. Pour des raisons qui n'ont rien à voir avec le syndicat j'ai eu un entretien avec François Hollande et je lui ai dit : « P,arti comme c'est, ou il y aura un redressement qui se fera sentir ou alors vous allez être confronté à des mouvements importants. » Bien sûr ! Pourquoi les travailleurs baisseraient la tête ? Non, non !

Jean-Philippe Nallet : C'est la raison pour laquelle je n'ai par voté l'accord de la loi sur l'ANI, parce que le premier ministre est venu expliquer aux députés socialistes qu'il fallait voter cet accord parce que les syndicats des salariés et du patronat s'étaient mis d'accord et qu'il fallait donc en faire une loi.

Marc Blondel: C'est une erreur fondamentale ! Jamais le mouvement syndical n'a revendiqué de faire la loi. En 1936 lorsque Jouhaux signe l'accord, il dit à la presse que c'est Blum qui a présidé mais que c'est nous qui avons discuté avec les patrons. Je ne souhaite pas que le mouvement syndical devienne législateur. C'est une erreur ou alors les députés n'existent plus !

Jean-Philippe Nallet : Tout à fait !

Marc Blondel : Chacun son rôle ! Si nous avons un conseil économique et social consultatif, c'est volontaire. C'est-à-dire que le gouvernement sur un point précis veut avoir les opinions des uns et des autres, ça c'est normal, mais ce ne sont pas les syndicats qui légifèrent.

Jean-Philippe Nallet: Je suis d'accord car cela me contrarie à double titre. En tant que député, législateur et en tant qu'élu de gauche socialiste parce que lorsque la presse me demande, comme il y a encore quelques jours : « Mais pourquoi êtes vous de gauche ? » Je ne réponds pas comme certains « que j'aime les gens » ou « que c'est la modernité », mais que je veux  préparer l'avenir et que l'économie est structurée, de la petite entreprise à celle du CAC 40 par le capital et le travail. Je me place au côté du monde du travail, je défends la valeur travail des salariés. Voilà deux raisons de ne pas voter la loi sur l'ANI.

Pascal Perez : L'évolution des conditions de travail dans l'administration, dans l'enseignement et à la Poste sont toutes négatives. On connaît ces difficultés. Les risques psychosociaux qui en découlent sont importants.  Je voudrais demander à Marc Blondel comment il voit les services publics de demain, alors que tous les hommes politiques lors de la crise financière et économique que nous connaissons ont dit que la France s'était plutôt mieux sortie de cette crise grâce aux services publics qui ont servi d'amortisseur.

Marc Blondel : C'est un point important sur lequel j'en ai assez des comparaisons avec l'étranger parce qu'en plus elles sont toujours fausses. La droite dénonçait les 35 heures en disant qu'en France on travaille moins. On a regardé. Eh bien ce n'est pas vrai. Les Allemands ne travaillent pas plus que nous. Et on a persisté. Et on a vu que les Français étaient plus productifs que les Allemands.

Pour toutes les comparaisons internationales il faut intégrer les données qui sont les mêmes mais cela ne suffit pas parce qu'il y a des comportements qui font que l'exploitation n'est pas identique. Ce qui est vrai, c'est qu'effectivement la structure de l'administration française et des services publics français ainsi que la sécurité sociale, c'est-à-dire la protection sociale, ont fait que nous étions un des pays les plus avancés du monde. Ça c'est vrai. Ça se voyait ! Mieux, ça se vivait !

Parce que nous en étions à un mois d'espérance de vie gagné tous les trois ans. Maintenant, l'espérance de vie est de 77 ans. Il y a 50 ans ce n'était pas du tout ça. Ça veut dire aussi que les métiers sont moins pénibles.

Je suis petit fils de mineur. Inutile de te dire que si on parlait de la retraite de 62 ou 65 ans, il y a longtemps qu'il était mort le grand-père, de la silicose et c'était terminé ! Il y a eu amélioration, mais maintenant on marche dans l'autre sens. On se décrédibilise. On ne gagne plus.

Ça veut dire que le système qui était le nôtre et que nous avons fait fonctionner était un système mixte. Je reviens à Mitterrand. Dans une discussion, je lui dis : « Monsieur le Président, vous n'êtes pas socialiste. » Il m'a répondu avec le sourire : « Mon cher ami, en France nous vivons dans une société mixte, lorsque la gauche est au pouvoir c'est 10 % de collectif en plus. Lorsque c'est la droite c'est 10 % de collectif en moins. Et si je réussis ça, c'est déjà bien».  Cela fait quand même 20 % de différence et ce n’est pas rien. Cela veut dire qu’en fonction de ses options, on soutient l'un ou l'autre. Il avait raison. C'était ça. Il n'a jamais dit : « Je vais faire un pays socialiste. » Ce n'était pas faux, c'était un argument qu'on avait dit pendant les 30 glorieuses.

Ce qu'on appelait les 30 glorieuses c'était le moment pendant lesquelles les conventions collectives, les statuts se sont améliorés. C'est-à-dire qu'il y avait une redistribution et je reprends la formule de M. le député. Dans l'opposition entre le capital et travail, on prenait au capital  pour redistribuer autrement.

Maintenant il suffit de regarder les statistiques. Depuis 1982, il y avait une baisse tendancielle en faveur du capital. Et cette baisse tendancielle, elle devait faire 8 ou 9 %  en 2004, lorsque je suis parti des manettes du syndicat. A partir de 1983, il y a eu la décision qui s'appelle maintenant la rigueur. Ces 8 à 9% de dégradation  continuent encore et je suis bien persuadé qu'il y a 15 % d'écart depuis les 30 glorieuses. C'est ça qui compte. Et ça, c'est l'accumulation du résultat de nos revendications etc.

C'est pour cela que pour sauver le service public, il faudra et les camarades du public  et les autres.

C'est sûr, c'est une horreur si on se met à rentrer dans la gestion commerciale des hôpitaux par exemple, voire dans la gestion de la sécurité sociale.

Pour imager mon propos, j'évoque M. Seillière lorsqu'il était président du CNPF. Je me permets d'attirer votre attention : Conseil National du Patronat Français, cela voulait dire qu'à l'époque il y avait un patronat. Ce n'était pas une nébuleuse, c'était un patronat. Et puis M. Seillière ne voulant plus discuter des conventions collectives, de protection sociale etc. avait dit au congrès de Strasbourg des patrons : « Vous discuterez si vous voulez, mais nous, ne nous discuterons plus. » Et ils ont transformé le CNPF en MEDEF. Le MEDEF c'est le Mouvement des Entreprises de France. Le patronat n'existe plus ! Alors tu comprends bien que si le patronat existe, alors la classe ouvrière existe. Si le patronat n'existe plus, les employeurs existent, mais la classe ouvrière n'existe plus en tant que telle.   Et c'est pour cela qu'on va vers le contrat individuel. Tout cela est réfléchi. Ce n'est pas fait par hasard. Et je disais d'Antoine Seillière : « Il est riche, il est vicomte par alliance, mais s'il a un cancer et moi aussi je veux être soigné de la même façon. » Et je pense même, et c'est la notion de service public qui est derrière ça, que si Crésus dort sur son argent et qu'il n'a pas de sécurité sociale, quand Crésus a une maladie, il l'a dans le dos, parce qu'il n'y aura pas les sous pour la recherche pour le soigner !

Même les riches ont intérêt à la sécurité sociale. Si c'était des citoyens honorables ils devraient comprendre cela. Je m'arrête là.

(Vifs applaudissements.)

Denis Langlet : Merci Marc.

Marc Blondel : Ne m'applaudissez pas et si vous renouvelez cette expérience et que vous faites d'autres conférences sur d'autres sujets et que je suis disponible, c'est avec plaisir que je viendrai vous voir.

Denis Langlet : Merci Marc, ça tombe bien parce que des conférences nous en continuerons.

Marc Blondel: c'est bien!

Denis Langlet: Nous en ferons probablement une fin octobre ou début novembre et j'espère qu'avec ta proposition on a avancé dans notre objectif, c'est-à-dire partager les connaissances, faire partager les possibilités de chacun de comprendre et d'être son propre libre arbitre et donc de pouvoir juger, décider sur la base d'une analyse et de ses pensées.

C'est ça la liberté et c'est ça l'avenir du mouvement syndical et du mouvement d'émancipation.

Je vous remercie.

(Applaudissements nourris de la salle.)