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Suite de l’analyse du projet de loi travail. Annexe 2

24 Mar 2015
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Analyse du projet de loi de démantèlement du Code du travail Février 2016
Suite à la date du 15 mars (modification du projet par F Hollande)

Nous avons publié une analyse détaillée du projet de loi sur le Travail présenté au Conseil des Ministres du 9 mars. Nous vous communiquons mardi 15 mars les modifications apportées dans ce document par le gouvernement Hollande et faisant l’objet du deuxième projet de loi remis au 14 mars. Nous avions démontré que ce projet n’est ni amendable ni négociable, légitimant la position des confédérations syndicales CGT et FO de demander le retrait immédiat du texte.

N’est-ce pas d’ailleurs ce que le gouvernement lui-même a reconnu en décidant la semaine dernière en toute hâte de retirer le texte initial et d’en présenter un nouveau ? Mais là, surprise : ceux qui, CFDT en tête, se sont totalement engagés dans un scénario de trahison, c’est-à-dire l’abandon de l’exigence du retrait ont dû répéter ce scénario au vu et su de tous, et si ce n’était pas une affaire aussi grave, on pourrait dire que la dramatisation exercée par Hollande justifie l’utilisation des moyens antidémocratiques institutionnels propres à la Ve République. François Hollande, après avoir déclaré : « Je maintiens l’intégralité du texte initial » et s’être vanté par médias interposés de réécrire la nouvelle version, chacun a pu constater qu’entre mensonges, manœuvres et trahisons, il ne reste au gouvernement Hollande que l’obstination à détruire.

C’est ainsi que nous avons découvert que les modifications apportées au texte portent sur quatre points, quatre autres points étant en cours de discussion. Les quatres modifications sont les suivantes :

1ère modification : Le plafonnement des indemnités prud’hommale ne sera plus obligatoire, mais « indicatif »

Cela ne change rien, les prud’hommes sont une juridiction exceptionnelle ne traitant que les cas particuliers, qui n’apprécie à partir des faits précis que le respect des textes de lois, Code du Travail ou Convention Collective. Le sens de l’audience est de qualifier si la faute reprochée au salarié ou si le non-respect des textes réglementaires par l’employeur sont avérés. Si cela est, ce même conseil doit établir, en fonction de la nature du fait reproché, de la situation particulière du plaignant, l’importance du préjudice, intégrant une indemnité financière. Dès l’instant où l’on substitue à une appréciation cas par cas un barème, c’est-à-dire une règle collective, la fonction même des prud’hommes est fondamentalement remise en cause. Que ce barème soit indicatif ou obligatoire, il restera une référence dans une logique de remise en cause de la logique prud’hommale. Remarquons aussi, pour ceux qui s’en soucient, que la recommandation légale, inscrite dans les recommandations applicables en cas de rupture conventionnelle entre un salarié et un employeur, à savoir que l’indemnité de rupture doit être au moins égale à l’indemnité de licenciement calculée selon le principe de faveur. Cette recommandation conforte donc deux indications possibles : être égal ou supérieur. En toute logique, la discussion devrait entre l’employeur et le salarié commencer à ce moment-là. Mais dans la pratique, l’employeur présente le calcul de l’indemnité de licenciement comme étant celui de l’indemnité de rupture qui apparait aussi comme fixe, non soumis à discussion pour augmentation, cela explique qu’en pratique.

2e et 3e modification : Sur les congés spéciaux et les conditions de travail des apprentis, il s’agit d’un retour à la situation antérieure.

4e modification : La nécessité d’un accord individuel entre un employeur de PME de moins de 50 salariés et un salarié concernant l’aménagement du temps de travail. Cette possibilité est annulée. L’accord collectif reste obligatoire.

Sont toujours en discussion, l’extension des critères de licenciement économique, ainsi que le contenu possible des accords compétitivité / emploi, qui faisait l’objet d’une loi de Sarkozy et que la loi Hollande étendra.

Nous insistons sur deux aspects qui condamnent à nos yeux définitivement le projet de loi gouvernemental :

- Le premier est qu’il efface le principe de faveur à partir duquel tous les droits et acquis ouvriers dans ce pays ont été construits. Rappelons que ce principe impose que si un des critères des relations de travail est abordé dans plusieurs textes différents, alors le texte le plus favorable aux salariés s’impose. Ainsi ce projet spécifie qu’un accord d’entreprise pourra avoir force de loi même s’il est socialement inférieur aux autres textes réglementaires. Cette « subtilité » permet au patronat de proclamer qu’il ne touche pas au code du travail mais qu’il répond de manière concrète à la situation spécifique à chaque entreprise. Le dialogue social au sein de l’entreprise apparait ainsi comme la méthode permettant d’imposer aux salariés et à leurs organisations les exigences de la course à la marge et à la compétitivité. Le postulat gouvernemental selon lequel l’entreprise compétitive serait créatrice d’emploi se heurte à la réalité des faits. Par contre la méthode de l’accord d’entreprise, qui aurait alors force de loi, permettrait au patronat et précisément aux grands groupes internationaux de contourner et de se débarrasser des contraintes réglementaires inscrites dans le Code du Travail et des Conventions Collectives. Ainsi, l’édifice juridique du Droit du Travail, bâti depuis près de 150 ans, va pouvoir être demantelé.

- Le second est que chacune des mesures proposées a pour conséquence immédiate la dégradation des conditions de travail actuelle et la possibilité pour l’employeur de diminuer la rémunération des salariés. Exemple : la majoration de toute heure travaillée au-delà de 35 heures pourra passer à 10% au lieu de 25% aujourd’hui. Exemple : pour un salarié ayant effectué 8 heures supplémentaires pendant 20 semaines et dont le taux horaire de base est de 12 euros brut de l’heure essuie une perte annuelle 288 euros brut. Notons que si la majoration des heures supplémentaires diminue, la tendance pour les employeurs à y recourir au lieu d’embaucher va se développer. Une fois de plus, ce texte de remise en cause du code du travail favorise la non embauche.

- Arguments complémentaires pour l’exigence de retrait et renforçant la légitimité de ce que nous nous avons caractérisé de « ni négociable, ni amendable ».

- Une autre proposition de ce texte modifie les durées maximales de travail faisant passer celle pour une semaine de 44 à 48 heures et même à 60 heures par dérogation exceptionnelle. De la même manière, un employeur pourra exiger que les salariés travaillent 46 heures par semaine pendant seize semaines dans l’année. Sur les licenciements économiques qui sont la première source de chômage aujourd’hui, ce texte ajoute aux motifs prévus actuellement par le code du travail des possibilités supplémentaires qui seront utilisées pour augmenter la productivité et les résultats financiers de l’entreprise au détriment de l’emploi. Jugez vous-même : d’ores et déjà, les actionnaires d’une entreprise peuvent exiger de la direction de celle-ci des licenciements au motif économique que le bénéfice réalisé, tout en étant positif, est inférieur au bénéfice moyen de la branche. Demain, si ce projet passe, il suffira pour licencier que l’employeur indique une « baisse des commandes pendant plusieurs trimestres » ou « une perte d’exploitation pendant plusieurs mois » ou « une importante dégradation de la trésorerie ». En clair, pendant des années, le patronat a justifié son pouvoir absolu à décider tout seul de l’affectation des richesses créées dans l’entreprise par le travail de tous par l’importance des risques pris par les entrepreneurs (faillite, perte partielle, ou totale des fonds investis).

- Aujourd’hui ils exigent une assurance tous risques leur garantissant une protection totale non seulement contre d’éventuelles pertes mais aussi contre des prévisions trop optimistes. Bien sur dans ce modèle, dans tous les cas, les détenteurs de capitaux voient ceux-ci augmenter ou au moins garantis. Ce miracle est le fruit des milliards et milliards dûs aux producteurs et détournés par les détenteurs de fonds et les spéculateurs.

- Quelques exemples : une multinationale ayant une activité en France est sensée comme les autres entreprises de ce pays être assujettie à l’impôt sur les sociétés (plus de 30%). Mais le bilan établi par le ministère de l’Economie et des finances, sur l’impôt collecté chaque année révèle que celle-ci bénéficie en fait d’un taux d’imposition variant entre 6 et 8%. A cette faveur se rajoute le CICE (crédit d’impôt sur les sociétés) qui permet à toute multi nationale de bénéficier d’une aide pour toute nouvelle étude ou lancement de nouveau produit. Le montant de cette aide pour les années 2014 – 15 et 2016 s’élève respectivement à ………….

Se rajoutent encore à cette liste les 30 milliards d’euros d’exonération de versement des cotisations sociales pour l’année 2014 et les 70 autres milliards pour cette même année d’aides directes et diverses réglées par les communes, communautés d’agglomérations, régions et Etat. Les banques relèvent aussi de ces dispositions. Ces dizaines de milliards sont prélevés directement sur le PIB (produit Intérieur Brut) de notre pays et sur les caisses de solidarité mettant l’un et l’autre dans une situation de crise financière permanente.

Ils sont prêts à tout pour faire passer ce projet de dynamitage du code du travail. Ainsi, tout en multipliant les déclarations de chantage à l’emploi, le président du Medef a même menacé la présidente du syndicat de cadres, la CGC.