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A propos de la relance à PSA Analyse de Jean Pierre Battais 03/2016

01 Mar 2016
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A PROPOS DE LA RELANCE DE PSA
Par Jean Pierre Battais

Les enjeux auxquels doit faire face un constructeur dans une situation de concurrence sans entrave, dans les grandes lignes, sont les suivants :

  • Augmenter la productivité pour réaliser les plus grandes séries possibles dans le but d’amortir les coûts de recherche et développement et d’investissement afin de rendre le produit fini moins cher.
  • Baisser les coûts de production portant sur : matières premières, énergie etc.. - sur les salaires par allongement de la journée de travail, imposition du travail de nuit et éventuellement du week-end - et l’annualisation. - Blocage des augmentations de salaire, nécessitant un accord de compétitivité pour déroger au code du travail et conventions collectives. Fermetures de sites et licenciements massifs.
  • Baisser le salaire indirect – cotisations sociales – coût de l’alimentation (en 1950 il fallait 8h de travail pour un ouvrier pour se payer un poulet. Aujourd’hui, c’est 1/2h. Par contre, ce n’est pas dit qu’il ait le même goût…) etc.
  • Donner une plus grande flexibilité pour la réactivité au marché - Heures supplémentaires – travail de nuit – facilité de licenciement.
  • Rechercher l’effet de taille pour s’appuyer sur la consolidation multinationale entre filières.
  • Fusionner, concentrer ou coopérer avec les concurrents pour en acquérir le savoir faire et les parts de marché
  • Innover pour permettre un meilleur ‘’power pricing’’ (possibilité de vendre plus cher sans être affecté par la concurrence.)
  • Sans parler des impôts qui ne viendront pas alimenter les services publics

Ce qu’il y a de remarquable, c’est que l’article de la Tribune du 29/02/2016 sur le redressement spectaculaire de PSA, "au-delà des attentes de ses propres instigateurs", passe en revue absolument tous ces critères et cite notamment l’accord de compétitivité par le chantage à l’emploi !

Ils prévoyaient de réaliser 1,5 milliard d'euros d'économies à l'horizon 2015. En réalité ils ont obtenu : "Un bénéfice opérationnel multiplié par trois à 2,7 milliards d'euros, un résultat net de 1,2 milliard (contre une perte en 2014), un chiffre d'affaires en nette hausse, une marge opérationnelle de 5%, et un free cash flow de 3,8 milliards d'euros sur la seule année 2015..."

Le recours aux fermetures et licenciements a été largement utilisé, puisque le plan de restructuration lancé en juillet 2012 prévoyait la suppression de plus de 11.200 emplois entre mai 2012 et mai 2014, via notamment la fermeture de l'usine d'Aulnay-sous-Bois.

L’application de clause de revoyure a produit une maigre obole de 2000 € par salarié en 2016, et pour l’embauche en CDI… pas de nouvelles.

Les gains de compétitivité ont été d’une ampleur telle qu’il est intéressant de comparer les objectifs à l’époque de la signature de l’accord où l’on comprend que les chiffres qui étaient donnés avaient pour but de faire peur tant ils sentaient la mort proche. C’est l’art du chantage à l’emploi :

"Au terme de cet accord, PSA s'engage à maintenir ses sites en France d'ici à 2016 et à augmenter la production. Le constructeur prévoit de fabriquer environ 930.000 véhicules dans ses usines d'assemblage cette année. La production devrait passer "autour d'un million" d'unités en 2016 dans les cinq usines qui resteront après la fermeture d'Aulnay"(l’express 24/10/2002), avec ce qui a été en fait réalisé :

"Désormais, pour être rentable, PSA ne devra pas produire 2,6 millions de voitures, mais 1,6 million. Un effort considérable qu'il a n'a pas cessé de dédier à ses "collaborateurs", à savoir les salariés de toute l'entreprise. Il a d'ailleurs annoncé "une prime d'intéressement renforcée", en moyenne de 2.000 euros."

Voici le passage sur la consolidation multinationale et les techniques utilisées:

"Le rebond du marché européen a permis au groupe de voir ses ventes bondir et de compenser en partie la mauvaise fortune d'autres marchés (Amérique Latine, Russie...). Les changes mais également les matières premières ont largement enjolivés les comptes. En outre, la politique de "pricing power"a permis à PSA de tirer sur le levier d'une meilleure rentabilité de sa croissance. Ainsi, les bénéfices ont augmenté plus vite que les ventes."

La politique d’une multinationale est brièvement décrite et en même temps très éclairante en ce qui concerne les retombées sur le plan national. Voici sa stratégie à l’export pour préserver l’effet de série :

"80% du business est en Europe, or ce n'est pas une zone de croissance, il faut résolument se tourner vers les pays émergents", rappelle Gaétan Toulemonde, analyste chez Deutsch Bank. "Il s'agit de répartir les risques, et les cycles", ajoute-t-il…..

… Face à ces difficultés, Carlos Tavares veut aller chercher de nouveaux marchés. Au Maroc, en Algérie, ou en Iran, des investissements massifs ont été annoncés. Au Nigéria, premier pays d'Afrique, PSA a annoncé la réactivation de son usine mise en sommeil depuis 2006. Enfin, le constructeur souhaite relancer ses projets d'implantation en Inde, l'eldorado de demain..."

Comme il n’y a pas de limite à la concurrence sans entrave, le dilemme est à nouveau posé :

"Au final, les moyens à mettre en œuvre pour mener de front tous ces sujets sont immenses pour un groupe de moins de 3 millions de voitures. C'est là que vient encore la sempiternelle question d'un partenariat ou d'une fusion. Il existe bien sûr Dongfeng avec qui PSA a d'ores et déjà lancé le développement d'une plateforme commune appelée CMP destinée à des voitures de segment B. La plateforme EMP2 doit permettre de développer 5 voitures de segment C dont une Opel. Mais sur la R&D, PSA est fortement contraint. "Au-delà de la dimension financière, PSA a également perdu du savoir-faire avec l'externalisation de nombreux métiers, il y a désormais une problématique de ressources humaines", s'inquiète Bertrand Rakoto. Le partenariat pourrait alors être une réponse judicieuse. D'ailleurs, PSA a perdu de nombreux deals dans le domaine. Il était autrefois allié avec Ford dans les moteurs diesel, et avec BMW dans les motorisations hybrides."

On y retrouve tout ce qui mine les conditions de travail et de maintien des emplois et du savoir faire. Il y a encore des luttes à mener et pour commencer, contre le projet de loi du gouvernement Hollande - El Khomri sur le code du travail.

A la lumière des résultats annoncés par PSA, qui a utilisé seulement une partie des dérogations au code du travail, comment ne pas imaginer, au travers du MEDF, le lobbying que les industriels sont en train de réaliser pour généraliser les accords de compétitivité-emploi ? Et de vouloir foudroyer dans son ensemble le code du travail.

C’est ce à quoi s’emploie le gouvernement. Il joue sa partition. Il masque son soutien au patronat avec le faux nez de la "défense de l’emploi", et laisse le champ libre au MEDEF pour utiliser son arme destructrice du "chantage à l’emploi", dans un scénario bien rodé avec la CFDT comme partenaire à la négociation dans le cadre du dialogue social.

Mais le combat est déjà engagé sur : NI NÉGOCIABLE NI AMENDABLE ! PAS TOUCHE AU CODE DU TRAVAIL !