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Les véritables objectifs du projet de loi Macron par Denis Langlet 5/02/2015

19 Fév 2015
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« LE PREMIER ET LE PLUS PRECIEUX DES ACQUIS OUVRIERS EST LE CONTRAT COLLECTIF » Roger SANDRI

Les véritables objectifs du projet de loi Macron : L’article 83 au centre de l’offensive contre le contrat de travail.

Ce projet de loi concerne de nombreux domaines et branches d’activités : toutes les professions réglementées, le travail du dimanche, l’actionnariat salarié, les prud’hommes... et des dizaines d’autres points.
Certains l’ont donc qualifié de projet fourre-tout. Cela n’empêche pas l’ensemble de ce projet d’avoir une grande cohérence. L’étude des deux pages consacrées à l’article 83 en donne toute la nature.
Ce paragraphe de l’article 83 est d’une gravité inouïe : il abroge le 2ème alinéa de l’article 2064 du Code civil ainsi que l’article 24 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative.
Actuellement, pour tous les salariés, le 2ème alinéa de l’article 2064 du Code civil fait obligation aux employeurs et aux salariés de soumettre obligatoirement tout différend survenu dans l’exécution du contrat de travail aux dispositions du Code du travail. Les conflits nés dans l’exécution de ce contrat de travail relèvent du Code du travail et donc de la juridiction prud’homale.
En abrogeant ce 2è alinéa, la loi MACRON SUPPRIME DANS LE CODE CIVIL LA SPECIFICITE DU CONTRAT DE TRAVAIL et permettra que les différends entre employeurs et salariés sur les éléments individualisés de leur relation de travail ne relèvent plus du Code du travail, mais du Code civil.
Quelles en sont les conséquences ?
Rappelons que le Code du travail a pour fonction de contrebalancer juridiquement l’infériorité économique du salarié par rapport à l’employeur. Cette infériorité est la conséquence de la subordination dans la société capitaliste du salarié vis-à-vis de l’employeur.
Dès l’apparition de la classe des salariés, c’est-à-dire des producteurs non propriétaires, s’est fait jour l’exigence de contrats collectifs, instaurant des garanties collectives s’appliquant au contrat de travail de chacun.
Avec le projet MACRON, c’est le retour au contrat individuel, de gré à gré, c’est-à-dire qu’il est fait place nette à la concurrence libre et non faussée imposée par l’Union européenne dans le domaine commercial, et maintenant aux salariés entre eux.
Avec le contrat collectif, le salarié est protégé de la concurrence avec ses collègues de travail sur tout le territoire national par le Code du travail, et de la concurrence entre salariés d’une même branche par la Convention collective.
En construisant nos syndicats, nous avons acquis les moyens de surmonter cette concurrence, ou au moins de l’atténuer. En effet, en obtenant pour nos syndicats la liberté de négociation, nous avons arraché le contrat collectif et pu négocier le salaire, les conditions de travail, et l’un après l’autre tout ce qui constitue depuis 1831 (révolte des Canuts à Lyon) et surtout depuis 1945 l’assurance maladie, les retraites, les allocations chômage. Ces acquis sont la matérialisation de la solidarité ouvrière dont le principe est l’égalité des droits pour tous.
Aujourd’hui ils veulent parachever ce qu’ils ont engagé depuis 1983, date du tournant de la rigueur. C’est- à-dire « détricoter » les acquis et plus précisément en finir avec le contrat collectif dont le Code du travail garantit les acquis pour y substituer immédiatement l’individualisation totale dans l’établissement des éléments constitutifs du contrat de travail de chacun.
Celui-ci sera donc établi au même titre que n’importe quel accord commercial comme si les deux parties étaient à égalité alors que nous savons que le salarié est demandeur d’emploi et donc soumis à l’offre de
Les véritables objectifs du projet de loi Macron : L’article 83 au centre de l’offensive contre le contrat de travail.

l’employeur. L’existence des Conseils de prud’hommes permet aux salariés en y ayant recours de se protéger de l’arbitraire patronal et d’y faire valoir ses droits. Mais l’abrogation imposée par la loi Macron va empêcher le salarié d’y avoir recours.
Voilà ce qu’ils veulent aujourd’hui effacer, rayer de la carte : plus de deux cents ans de lutte ouvrière et syndicale.
Que chacun réalise : la simple abrogation par la loi Macron d’une phrase du Code civil conjuguée à la déréglementation engagée depuis plus de trente ans à l’échelle internationale et instaurant l’individualisation va créer les conditions de l’offensive contre toute la protection du Code du travail comme par exemple :
- L’exécution du contrat de travail
- Le recrutement
- Les formalités d’embauche
- La période d’essai
- Les modification du contrat de travail
- Le transfert du contrat de travail
- La maternité
- La maladie
- Les modalités de rupture
- Le droit disciplinaire
- Les relations collectives de travail
- Le syndicat
- La représentativité syndicale
- L’exercice du droit syndical
- La négociation collective, notamment celle des salaires et des minima sociaux
- Les conventions et accords collectifs
- Les institutions représentatives du personnel
- La résolution des litiges et le Conseil de prud’hommes : les conseils de prud’hommes étant voués à disparaître puisque le contrat civil ne relève pas de cette juridiction.
- La santé et la sécurité au travail contrôlées par la Médecine du travail : extinction de cette profession puisque le contrat civil n’en depend pas.
- Le contrôle de l’application de la législation du travail relève de l’inspection du travail qui elle aussi est vouée à disparaître.
Mais menacera aussi directement les institutions ouvrières bâties à partir de 1945 sur la base de la loi de 1864 abolissant la loi LE CHAPELIER d’interdiction des coalitions et la loi de 1884 sur la reconnaissance légale des syndicats.
L’objectif est donc nettement identifié : donner l’assaut décisif aux conquêtes ouvrières sous la protection de l’union nationale récemment proclamée.

Une urgence s’impose : empêcher la loi Macron de voir le jour, mettre toutes nos forces, chacun à notre niveau de responsabilité dans l’engagement de la campagne d’information, d’organisation de la mobilisation et du blocage, si nécessaire, du pays.
Cette loi ne doit pas passer.
Colette LAPLANCHE, Denis LANGLET, syndicalistes
Nous vous invitons à lire les articles de Roger SANDRI
Fait le 5 février 2015,